Il était temps ! Le travail entamé par l'Arcep en 2015 commence à porter ses fruits. Le gendarme des réseaux lance une consultation publique pour fournir ses recommandations.
Les spécialistes des réseaux de télécommunications connaissent bien l'Arcep. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes se charge généralement de gérer l'accès au réseau pour les opérateurs téléphoniques, en délivrant des bandes de fréquence. Alors que l'Internet des Objets est un des sujets difficilement évitables en 2016, elle a lancé depuis le 19 juillet dernier, une consultation publique dédiée « aux acteurs du secteur » qui s'étale jusqu'au 16 septembre prochain.
Un projet né d'un partenariat d'envergure
Le projet de livre blanc présenté par l'Autorité contient deux carnets de 40 et 19 pages et est accessible depuis son site Web. Dans ce document, 17 orientations pour l'IoT sont présentées aux acteurs et aux experts du secteur. 14 questions sont formulées entrecoupées par des propositions jugées pertinentes par les membres de cet Autorité. Pour cela le programme du livre blanc se divise en deux parties : une cartographie des enjeux de l'IoT et les objectifs nécessaires à son avènement en France. Mais avant de présenter les « cinq mesures à poursuivre », un premier constat court met en exergue les problèmes à surmonter à la racine.
Qui dit IoT, dit effectivement réseaux, LA spécialité de l'Arcep. Ceux-ci seront l'objet de « batailles » autour des « standards de nommage », des APis, la sécurité des données, la protection des données des individus, celles des entreprises et enfin les questions d'intégration, d'interopérabilité entre les systèmes. Cinq problèmes auxquels il faut apporter des solutions rapidement afin de développer l'Internet des Objets sur de bonnes bases.
Pour cela, l'Autorité a réalisé en partenariat avec l'Agence nationale des fréquences (ANFR), L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Direction Générale de l'Aménagement, logement et nature (DGALN), et la Direction Générale des Entreprises (DGE) une cartographie des enjeux de l'IoT. L'objectif est de repérer les mesures à prendre pour amener ce secteur à maturité.
La cartographie des enjeux : réseaux, données et inversement
Le document repère tout d'abord des domaines d'application déjà en place de l'Internet des Objets : bâtiments connectés, santé connectée, industrie du futur, smart agriculture, véhicule connecté, etc. Autant de domaines où la connectivité joue un rôle important.
Sans oublier d'expliquer le fonctionnement de l'écosystème, d'en repérer les acteurs principaux, la première partie du document se concentre sur les enjeux des réseaux. En partant du constat que l'IoT est tiré vers le haut par la valorisation de la donnée, l'Arcep constate l'hétérogénéité des infrastructures réseaux empruntées. « Les tuyaux » sont majoritairement invisibles puisque ce sont les réseaux sans fil qui se développent.
Pour pouvoir gérer l'énorme quantité d'information qui circule au sein des réseaux, « Toute la variété des technologies de communication est mise à contribution pour répondre aux multiples usages attachés à ces objets » explique le rapport.
L'infographie utilisée dans cette première partie parle d'elle même : les technologies sans-fil dominent en nombre : NFC, Bluetooth, WiFi, Thread, d'un côté et 2G/3G/4G, LoRa, Sigfox, LTE-M, NB-IoT de l'autre. Et nous ne les citons pas tous !
Les données, moteur de l'IoT
Pour les rédacteurs de ce compte rendu, cette variété technologique est bénéfique : il faut faire respecter les lois de la concurrence. En revanche, elle s'accompagne d'un problème majeur, l'itinérance des données. Un objet produit dans un pays doit être utilisable en dehors de celui-ci. L'interopérabilité des systèmes (multi sourcing) et l'utilisation de plusieurs réseaux par un opérateur (multi-roaming) sont conseillées par l'Arcep.
Dans cette optique, cette branche gouvernementale explore des solutions des côtés des bandes de fréquence disponibles. S'il est de plus en plus d'en ouvrir de nouvelles, les bandes « libres » sont disponible pour l'Internet des Objets. Il faut en revanche réguler leur utilisation aux objets connectés, afin d'éviter la saturation et améliorer le chiffrement des informations en circulation.
L'utilisateur doit pouvoir conserver la maîtrise de ces données et disposer d'une protection efficace de celles-ci. Cette question de l'accès aux réseaux détermine une grande partie des problématiques. On peut lire dans le document :
« Les acteurs de l'internet des objets devront donc s'assurer de leur adhésion en garantissant à leurs objets un niveau de sécurité suffisant et en proposant une gestion transparente des données personnelles. »
Des mesures calquées sur les décisions européennes
Concentrons-nous maintenant sur la deuxième partie de ce document. Elle reprend en résumé les problématiques évoquées dans la cartographie des enjeux et permet de proposer un plan d'action.
Les 5 mesures à poursuivre selon l'Arcep :
« – Permettre une connectivité multiple, mobile, fiable et à coût réduit ;
– Veiller à la disponibilité des ressources rares pour le déploiement de l'internet des objets ;
– Garder un jeu ouvert à tous ;
– Contribuer à bâtir la confiance autour de la donnée et des usages ;
– Accompagner les acteurs de l'internet des objets. »
Toutes ces mesures ne sont pas du ressort de l'Autorité, d'où la collaboration étroite avec les autres services de l'Etat. De même, cette consultation publique appelle de son vœux les professionnels du secteur à agir. En cela, les rédacteurs souhaitent voir une vision bout à bout de la sécurité :
» Il paraît nécessaire de mettre ce sujet au centre des débats dès la conception de l'objet, autrement dit d'adopter une approche de « Privacy by design » telle qu'elle résulte du Règlement européen. »
L'Union européenne est citée à plusieurs reprises dans cette seconde partie plus courte. L'itinérance des données apparaît comme un sujet primordial.
Arcep : Des obligations à l'international ?
Les indications n'obligent pas seulement les créateurs d'objets connectés, les opérateurs, les industriels, mais aussi l'Arcep elle-même. Cette consultation publique rappelle notamment son obligation d'état des lieux de l'adressage IPv6 en France. La demande de la secrétaire d'Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, à travers le texte « République numérique » part du constat d'un retard de ce type d'adressage et la pénurie d'adresses IPv4. Si ce projet n'est pas mené à bien, il sera difficile de connecter des millions d'objets sur le territoire.
De plus, les normes européennes sont envisagées comme un moyen de standardisation des processus de connexion. A travers celles-ci, l'Autorité compte bien se calquer sur les normes internationales instaurées par le consortium 3GPP et Etsi. La question n°2, « Considérez-vous que l'Arcep devrait avoir une implication plus importante dans les instances de normalisation internationale ? De quelle manière ?« , traduit parfaitement une implication envisagée à une plus grande échelle.
Pour autant, les questions posées permettent aux entreprises et entrepreneurs concernés de donner leur avis librement. La consultation fonctionne sur des questions ouvertes, où « les suggestions »sont bienvenues. Le travail effectué avec la French Tech transparaît à travers ces pages. Les différentes agences gouvernementales prônent l'innovation à la française fondée sur un dialogue avec les pouvoirs publics.
Après les rendez-vous passés avec les grands groupes du secteur, les entrepreneurs ont jusqu'au 16 septembre 18h pour se prononcer. Les recommandations et les décisions de l'Arcep et du gouvernement sont fermement attendues.
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