Toute idée naît et peut mourir aussi vite. C’est la force de l’entrepreneur que de la matérialiser dans un monde en quatre dimensions. Il peut la conceptualiser seul ou en co-création- c’est à dire avec une équipe et/ ou avec le client. Cette étape, dite de l’idéation, vise à formaliser en deux dimensions (papier), trois dimensions (prototypage pâte à modeler, impression 3D) ou quatre dimensions (itérations planifiées dans le temps). Voilà pour l’approche “théorique”.
La réalité des objets connectés est cependant plus complexe dans la mesure où elle intègre un substrat physique (le boîtier, les boutons,), l’électronique (la carte, les connecteurs), le logiciel (embarqué et déporté sur le mobile), l’interface utilisateur (l’interface et l’expérience utilisateur). Comme il l’est mentionné dans “Objets connectés, la nouvelle révolution numérique” (Ed. Dunod), “l’entrepreneur IoT est un triathlonien quand l’entrepreneur Internet/ mobile n’est qu’un marathonien”.
L’idéation devra donc s’inscrire dans une logique de contrainte matérielle issue des lois de la physique. Une itération agile par prototypage, un sprint, ne peut se tenir complètement en une à deux semaines comme c’est la norme. L’idéation appellera donc des ajustements en face d’une certaine réalité. L’impression 3D, des plateaux dédiés comme l’Usine IO ou la Cité des objets connectés seront très utiles dans le cadre de l’idéation et du prototypage. Leurs outils, leur méthodologie et leur expérience sont irremplaçables.
EXEMPLE DE PROTOTYPAGE
L'USINE IO
Pour le prototypage, l’Usine IO a conçu une méthode afin d’optimiser le temps de latence entre chaque phase du prototypage.
Ancienne galerie d’art privée avec une surface globale de plus de 5000 m² composée d’une salle de conception, de bureaux, d’ateliers et de zones de co-working, l’Usine IO accueille aujourd’hui sur abonnement et sans sélection des ingénieurs désireux de préparer les premières moutures de leur objet, avec un accès aux nombreuses machines de l’Usine IO, type imprimantes 3D, fraiseuses, thermoformeuses ou encore découpeuses à plasma. Frédéric Wets est Ingénieur méthode et industrialisation à l’Usine IO. C’est sa méthode en 5 points qu’il propose aux personnes qui viennent se former et concevoir leur produit en phase de prototypage à l’Usine IO.
À l’Usine IO, la méthode de Frédéric Wets consiste à découper en phases le temps et les investissements nécessaires pour aboutir à la partie prototypage avec la vision la plus globale possible.
LE STORYTELLING
Sur un marché nouveau comme celui des objets connectés, il est essentiel d’avoir une histoire à raconter dès les premières étapes de conception de son produit. Pour préparer l’objet connecté à sa commercialisation, lors de la phase de prototypage on conçoit des scénarios d’usage et on pense aux fonctions techniques qu’aura l’objet. À cette étape, on ne parle pas encore de cahier des charges. À partir de ces présupposés, on va faire une validation fonctionnelle, puis la validation d’une maquette unitaire. “Ensuite : on va demander de l’aide” précise Frédéric Wets.
Vers qui se tourne-t-on à ce stade du prototypage ? L’Usine IO recommande d’activer tous les réseaux disponibles dès que possible. Tout réseau nécessite en effet d’être travaillé et augmenté tout au long du déroulé du projet, ne serait-ce que pour être déjà activé lorsque le projet commencera à franchir des étapes clés.
LA VALIDATION DE L’INTERFACE
Software. Lors du processus de validation de l’interface, on va laisser de côté toute considération liée à l’ergonomie et à la forme du produit final. Il faut en revanche respecter 80% des fonctions. C’est un peu comme présenter un projet lors d’un hackathon, on ne demande pas à ce que toutes les fonctionnalités du produit soient stables et prêtes, mais elles doivent permettre de démontrer l’usage du produit correctement.
On fonctionne de la même manière avec l’interface qu’avec le hardware : on arrête les itérations quand on est satisfait de son prototype.
Hardware. Pour développer le prototype, on peut rester sur du Arduino. On fait un facteur de forme (form factor, ou facteur d’encombrement de la carte mère, on calibre la place que vont prendre les composants) avec une hyper miniaturisation de ceux-ci. À cette étape, on va réaliser les documents qui vont accompagner le prototype, soit :
Une nomenclature avec une projection de ce dont on va avoir besoin, un peu comme une recette de cuisine, avec le poids et le prix de chaque ingrédient.
Une gamme de montage avec instructions mécaniques et électroniques.
Packaging. À ce stade, on introduit la notion de packaging pour éviter les faux pas futurs. Frédéric Wets cite l’exemple de l’histoire de Bolt, un accélérateur de startups et fonds d’investissement spécialisé dans les objets technologiques, qui réalise une série appelée “How It’s Made” (comment est-ce fait). Avery Louie, un ingénieur hardware de Bolt, a éclaté le contenu d’un casque Beats vendus 199 dollars sur le marché pour estimer la valeur de ses pièces détachées. “Le contenu s’est révélé équivalent à 16,89 dollars. On sait que le packaging est inclus dans ce coût, ce qui signifie que près de 7 euros sont investis en packaging et 10 dollars en production. Je pense que c’est sous-estimé et qu’en réalité, on est aux alentours de 25 dollars.” Cela révèle donc l’importance du coût du packaging dès la conception de l’objet. Pourquoi faut-il penser à cela tandis qu’il ne s’agit que de la “boîte de l’objet” ? C’est parce que parfois, on réalise un objet à forme complexe, on a prévu une forme “libre” et au moment de la production en série, on réalise qu’il va falloir faire réaliser une boîte sur mesure, ce qui va ajouter des coûts importants à la production. Agathe Fourquet, co-fondatrice et chargée de la communication et du marketing à l’Usine IO propose aux concepteurs de réaliser leurs boîtiers grâce à une thermoformeuse plastique pour réduire les coûts de packaging et obtenir des moulages selon la forme souhaitée.
Le choix du nombre. Lorsque le P.O.C est terminé, on peut tenter plusieurs stratégies, soit aller voir un investisseur, soit lancer sa campagne de financement participatif (voir partie Financement). L’objet est-il réalisable ? Si c’est le cas et qu’on sent qu’on a les épaules pour (comme une expérience précédente de commercialisation, une équipe solide et compétente derrière), on peut aussi aller directement vers un distributeur (voir partie Distribution). Frédéric Wets prend ici l’exemple de la société Smiir, avec le Fliiike, le compteur de Like Facebook, qui est directement allé voir les distributeurs.
« Frédéric Wets : “Selon le nombre d’exemplaires à faire, le réseau est différent. Par exemple, si l’on a décidé de faire 5000 exemplaires de son produit, ça ne sera pas pareil que d’aller vendre quelques exemplaires exclusifs chez Colette (magasin parisien de la rue Saint-Honoré bien connu des early-adopters qui a présenté en exclusivité l’Apple Watch, le Oneplus 2… ).”
À cette étape de la conception de l’objet, on va rationaliser les acquis, en s’adaptant aux outils des partenaires pour réduire les coûts. On utilise ici sa BOM (Bill of Material : le tarif des composants) et la gamme de montage.
« Frédéric Wets : “On va enlever des vis…On va prendre plus de temps de manœuvre sur le packaging. Ici, le crowdfunding est intéressant pour faire du bulk packaging.” (un emballage simple). C’est à ce moment qu’à l’Usine IO sont proposés des emballages en plastique thermoformés. On fait un prototype “bonne matière” qui va simuler le procédé final. Ce prototype, ça va prendre beaucoup plus de temps, car à l’Usine IO, tout est fait par le “maker”. En circuit de prototypage classique, c’est plus rapide, mais ça coûte au final très cher. L’Usine IO ne fait payer que le coût de l’abonnement.
Frédéric Wets : “On suit donc des étapes de formation, on augmente la qualité de service et le nombre de matériaux disponibles. On fait plusieurs prototypes, de 30 à 50 environ, parce que pour faire une première série, il faut être sûr.”
C’est un moment très “crash-test” dans la phase de pré-industrialisation car les produits qui servent à concevoir les prototypes engloutissent environ 10% des investissements globaux. “Soit on ajoute 10% d’investissements en plus pour corriger les problématiques, soit on se retrouve très souvent avec des coûts additionnels sur le SAV (Service Après-Vente).”
Lorsque le prototype et le packaging sont achevés, que les documents de type B.O.M et nomenclatures sont rédigés, l’objet est quasiment prêt pour l’industrialisation. On fait une pré-série en investissant dans l’outillage. Cette phase est en général assez longue à démarrer, car c’est une étape cruciale pour la société qui conçoit son objet, et qui va s’impliquer financièrement. On se retrouve à ce moment-là à débourser environ 50% de ce qu’on a récolté en levée de fonds, crowdfunding, et autres. Si on a bien respecté les étapes nécessaires du design industriel, on va réussir à économiser quelques centimes sur chaque produit, ce qui va être intéressant sur les gros volumes. Si ce n’est pas fait, on va y penser, car cela pourrait représenter une économie non négligeable. Notre rôle s’apparente à un travail d’architecte dont les coûts sont amortis par les économies qu’il permet de réaliser.
*À ce stade, il est bon de prévoir des marges confortables pour aller vers la distribution du produit. Sinon, il y aura un grand écart entre le coût industriel du produit, son prix hors taxe et son prix de commercialisation. Le distributeur va apposer sa marge, ce qui donnera le prix de vente final, et ce prix est crucial dans la vision de l’objet pour le consommateur.
*Le crowdfunding est une bonne idée, car il permet de récolter les fonds nécessaires à finaliser les étapes du prototypage. Mais attention aux tarifs préférentiels trop avantageux pour le consommateur lors du crowdfunding, les fameux “early birds” de Kickstarter. S’ils sont trop peu élevés, et ne représentent pas le coût de l’objet avec la marge de conception industrielle, le constructeur risque de se retrouver en posture de déficit et devoir vendre son produit à perte. Pour peu que l’objet ait des soucis de fonctionnement et qu’il doive assumer des coûts de service après-vente, la vente à perte de l’objet et ce type de soucis peuvent faire couler le projet.
*Penser aux versions ultérieures dès le début. Il faut “versionner” son produit, c’est-à-dire penser aux V1, V2, V3,… Car ainsi, on pourra lancer sur le marché son produit avec un minimum de fonctionnalités activées, et l’améliorer au fur et à mesure en levant des fonds de plus en plus importants, après avoir sollicité l’adhésion du public, ce qui renforce la confiance pour les versions à venir.
Pour donner de l’envergure à son projet, à un moment, on va “arrêter de travailler depuis son garage et on va bosser avec un intégrateur” conseille Frédéric Wets. “On va payer une étude de marché. Grâce à cela, on va obtenir de bons ingrédients, une bonne façon de fabriquer avec l’intégrateur.” Il est intéressant de trouver plusieurs sites d’assemblage, car c’est pratique pour l’envoi à l’international, si le constructeur à des volontés d’internationalisation. Il faut penser à la nécessité de travailler avec des logisticiens pour l’assemblage final par exemple. Certains produits n’ont pas de câble d’alimentation jusqu’à ce qu’ils arrivent dans les cartons en Europe, parce que l’on a acheté une partie du hardware ailleurs. Il faut se souvenir de cela pour concevoir l’assemblage global des produits.
Packaging. Pour optimiser les coûts et rationaliser le packaging, il faut :
- Minimiser sa taille,
- Opter pour un façonnage simple si on a pas le budget pour du sur-mesure (thermoformeuses plastiques par exemple),
- Penser le packaging en même temps que le produit,
- Proposer des visuels de qualité pour aider à la compréhension de ce à quoi sert le produit,
- Rédiger du texte synthétique et explicite,
- Prévoir qu’il n’y aura pas forcément de démonstrateur, donc le produit doit être facile à comprendre au premier coup d’oeil.
Projet industriel de véhicules d’aviation sophistiqués d’un type différent
je veux un prototype de se forme