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[Olivier Ezratty] Que va-t-il se passer pour les marchés de l’IoT en 2017 ?

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Après avoir assisté au retour du CES 2017 par Olivier Ezratty à la BPI, nous avons posé quelques questions à l'expert. Fragmentation des marchés, jargons rédhibitoires, gadgetisation, voici quelques problématiques des marchés de l'IoT que nous avons abordés en ensemble. 

« Quand je réalise le rapport du CES tous les ans, le salon de Las Vegas n'est finalement qu'un prétexte pour évoquer les grandes tendances de l'année passées et celles à venir« . Voilà comment Olivier Ezratty décrit son travail effectué lors de ce salon d'envergure mondiale. L'observateur aguerri se met sur le pied de guerre au début du mois de janvier. En réalisant un « safari photo », et des entretiens enregistrés, il peut analyser les marchés et les tendances en cours.

Le CES ? Un « prétexte » pour analyser les marchés de l'IoT

En 2016, les marchés de l'IoT ont connu des changements notables. Les montres connectées et les wearables en général, pourtant populaire pendant deux ans, ont chuté au point de vue des ventes. Les produits préférés du grand public se trouvent dans des secteurs comme la et le bien-être. Que s'est-il passé en 2016 ? Que va-t-il se passer en 2017 ? L'entretien qui suit tend à aborder ces problématiques.

Vous avez parlé de la place importante de la French Tech au CES 2017. Faut-il laisser plus d'espace aux autres délégations ? L'intérêt est-il légitime ?

C'est aux autres pays de faire leur place au CES, notamment les pays européens. La place envahissante de la France dans la zone Eureka fait en tout cas des jaloux.

Objectivement, la France occupe une place disproportionnée dans l'espace Eureka avec 30% des stands par rapport à ce qu'elle représente sur le reste du salon et dans le chiffre d'affaires de l'industrie des loisirs numériques côté matériel. C'est une industrie d'environ 960 milliards de dollars. Quelle est notre part de ces marchés ? Au nez, largement moins de 1%.

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L'enjeu est de ne pas se contenter d'avoir un grand nombre de startups dans la zone Eureka Park. Il faut surtout qu'elles puissent grandir et exposer ensuite dans les halls des entreprises plus matures. J'ai dénoté une légère augmentation du nombre de sociétés françaises exposant hors de la zone Eureka. Mais cela reste timide. Le marché des se révèle difficile. Très peu de sociétés françaises de ce secteur arrivent à bien se financer, même en allant chercher des fonds à l'étranger. Ce n'est pas seulement lié aux contraintes de financement des startups françaises, mais aussi aux spécificités de ce marché qui est très difficile et très concurrentiel. En 2016, même les gros acteurs tels que Fitbit et GoPro ont connu des difficultés. Et chez nous, est mal en point, notamment face à la concurrence chinoise.

L'autre enjeu est de sortir du produit gadget pour créer de véritables écosystèmes. On en a vu les prémisses avec MicroEJ et Netatmo. Il y a aussi Wyplay dans le domaine de la TV connectée, Valeo dans l'automobile et dans les M2M. Mais on ne pèse pas lourd par rapport aux GAFA ou à des acteurs tels que Nvidia et qui jouent un rôle critique dans la mobilité et dans l'intelligence artificielle. Nous avions quelques grands comptes français hébergeant leurs startups au CES avec Engie, Air Liquide et le Crédit Agricole. Mais ils n'ont ni écosystèmes ni plateformes, surtout destinées au grand public. Ces trois grands comptes sont inconnus à l'échelle mondiale. Leur présence est incongrue au CES. Ils sont trop présents sur des marchés b2b, surtout les deux premiers. Ils ne peuvent pas aider une startup française à s'imposer dans le grand public. D'où, d'ailleurs, le fait qu'une bonne part des startups qu'ils hébergeaient était plutôt b2b.

Le troisième impératif voisin du précédent est de « clusteriser » l'offre française par grands thèmes pour la rendre cohérente dans son ensemble. Dans l'IoT, un produit isolé relève du gadget. Il faut absolument sortir de ce syndrome pour créer des entreprises plus pérennes.

Vous parlez de la fragmentation du marché de l' des Objets. Faut-il se maintenant se diriger vers le milieu professionnel ?

Le marché professionnel des objets connectés est aussi fragmenté que le marché grand public. Dans certaines niches, il est en tout cas bien plus porteur dans le professionnel. C'est en particulier le cas des drones.

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La fragmentation d'un marché peut avoir plusieurs origines : sa relative jeunesse, son fort degré d'innovation, la variété des usages et produits, la facilité d'accès au marché, la banalisation des solutions, la multiplication des copies et le manque de standards. Dans les objets connectés, il y a un peu de tout cela.

Un marché se défragmente pendant une phase de maturation et de banalisation, notamment autour de plateformes clés. Nous n'avons pas encore de plateforme structurante de ce marché, sauf peut-être en intégrant Amazon Alexa qui est supporté par un grand nombre de sociétés du monde des objets connectés et qui va jusqu'à nous permettre de nous affranchir de la notion même d'applications.

Il y a une résurgence des marchés traditionnels comme l'informatique. L'innovation se limite-t-elle encore à « connecter » les objets du quotidien ?

L'offre micro-informatique continue de progresser côté produit sans pour autant que son marché grandisse en unités ou en valeur. Quand on prend le total des ventes de tablettes, laptops et desktops, le marché est en baisse ! Cela ne vient d'ailleurs pas d'une baisse de l'usage, mais plutôt d'un taux de pénétration élevé, d'un taux de remplacement de plus en plus faible et d'une pénétration qui n'augmente pas dans les pays émergents. La pénétration des PCs semble proportionnelle à plusieurs facteurs macro-économiques : le niveau de vie moyen, la part des cadres et employés du tertiaire dans un pays, le niveau d'éducation et la qualité des infrastructures électriques et télécom.

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Les nouveautés dans les PC concernent les nombreux 2-en-1, les desktops et laptops pour gamers, les PC conçus pour les applications de réalité virtuelle et même les moniteurs (4K, 21:9, incurvés, OLED, HDR, etc).

L'innovation générale va sinon bien au-delà de la connectivité. Le dialogue homme-machine avec Amazon Alexa et ses concurrents a fait des progrès de géant en 2016. Les interfaces utilisateur progressent également. Là où le bât blesse, c'est la difficulté à créer des produits réellement désirables. On est souvent dans l'accessoire, dans des catégories de produits qui ont une valeur d'usage secondaire, que l'on ne va pas se battre pour acquérir sur un achat d'impulsion comme certains le font pour le dernier iPhone qui vient de sortir. Sauf peut-être dans certains pans de la santé et du bien-être.

Le jargon technique est devenu un argument marketing qui n'est plus seulement réservé aux geeks. Est-ce une pratique à adopter pour vendre les objets connectés ?

Je pense le contraire. Notre industrie utilise beaucoup trop de jargon. Dans les réseaux des objets connectés, dans les smartphones, dans la TV 4K et le HDR. Cela devient incompréhensible pour le commun des mortels. Allez expliquer les avantages de Zigbee par rapport à Z-Wave, les différences entre le MIMO et le MU-MIMO, le Mesh ou de Sigfox par rapport à !

L'industrie peut continuer à utiliser du jargon, mais elle doit sans cesse en traduire le sens en langage courant pour le grand public.

Quelle vision avez-vous sur le marché de l'orchestration, de l'interopérabilité de l'IoT ?

L'orchestration de l'IoT est un marché encore très immature avec un grand nombre de solutions, aucune n'arrivant à s'imposer. Et nous avons un grand paradoxe : on en a besoin mais c'est trop complexe, donc cela ne se vend pas bien. L'application IFTTT avait beaucoup fait parler d'elle au CES 2016 et en 2017, c'était le calme plat. Comme si Amazon Alexa rendait caduque les questions d'orchestration.

Un autre phénomène se généralise aussi : les grands acteurs de l'IoT verticalisent leurs offres, tel Netatmo qui a ajouté un détecteur de fumée à son offre et s'est associé à Legrand pour créer des prises connectées. On a plein de sociétés qui se construisent leur écosystème et s'intègrent avec celui d'autres leaders. Philips Hue est ainsi très largement supporté par les applications d'orchestration d'autres grands acteurs. Artik fait discrètement son trou, à la fois du côté des objets connectés et de celui du cloud.

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