Sophia est la première citoyenne robot au monde. Elle est depuis le 26 octobre un sujet du roi d'Arabie saoudite. Une nomination qui pose de nombreuses questions.
Alors que Blade Runner 2049, le film de Denis Villeneuve, imagine une société ou des êtres biomécaniques et les robots sont les esclaves d'une société vouée aux plaisirs des humains, l'Arabie Saoudite vient d'accorder la citoyenneté à une machine douée d'une intelligence artificielle.
Sophia, une célébrité robotique
C'est lors de l'événement Future Investment Initiative, une conférence se tenant à Riyad, la capitale de l'Arabie saoudite, que cette première a été dévoilée. L'heureuse élue se nomme Sophia. Il s'agit d'un robot humanoïde féminin hongkongais conçu par la firme Hanson Robotics. Sophia dispose d'animations faciales très réalistes, malgré son expression orale quelque peu saccadée et souhaite multiplier les interactions avec les humains afin de comprendre leurs émotions. En peu de temps, elle est devenue une véritable célébrité. Ce robot a déjà été aperçu dans l'émission américaine animée par Jimmy Fallon, sur CCTV, elle a été interviewée par le Wall Street Journal et bien d'autres médias.
À la télévision saoudienne, Sophia a commenté son nouveau statut de premier citoyen robot au monde : “ Je tiens à remercier vivement le Royaume d'Arabie saoudite. Je suis très honorée et fière de recevoir cette distinction unique. C'est un moment historique pour moi de devenir le premier robot au monde à être reconnu comme un citoyen.”
Cela a forcément suscité l'interrogation. Une machine peut-elle endosser des caractéristiques humaines tout en filtrant les mauvaises réactions ? Lors de son entretien retransmis sur Arab News et CNBC, Sophia a prétendu être conçue selon “des valeurs comme la sagesse, la gentillesse, la compassion[…]”. Ce à quoi le journaliste du New York Times Andrew Ross Sorkin a répondu : “Nous vous croyons tous, mais nous voulons éviter un mauvais avenir”. Ce à quoi Sophia ou la personne qui l'a programmé a rétorqué : “Vous avez lu trop d'Elon Musk et vous avez vu trop de films hollywoodiens, ne vous inquiétez pas, si vous êtes gentil avec moi, je serai gentil avec vous. Considérez-moi comme un système entrée/sortie.”
Elon Musk n'a pas tardé à répondre sur Twitter en évoquant la saga cinématographique “Le Parrain” :
L'Arabie saoudite veut devenir une « digital nation »
Bien que problématique, cette première au monde s'inscrit dans la volonté du Royaume de devenir une nation incontournable des nouvelles technologies et devenir un centre de l'innovation au Moyen-Orient. Durant la même conférence, les responsables du pays ont annoncé la nomination d'une ministre de l'intelligence artificielle, mais aussi présenté les avancées du projet Naom, une mégalopole intelligente deux fois plus grande que l'Ile de France qui prendra racine dans le désert. Panneaux solaires, éoliennes, capteurs connectés, mais aussi de nombreux robots feront partie du quotidien des premiers habitants de cet espace urbain futuriste. La mise en place d'une telle Smart City représente un investissement de 500 milliards de dollars.
Un robot a-t-il plus de droits que les femmes et les migrants ?
Si les intentions du Royaume sont louables, le nouveau statut de Sophia n'a pas plu sur les réseaux sociaux. L'Arabie saoudite vient tout juste d'accorder le permis de conduire aux femmes. Les Saoudiennes n'ont pas la liberté de travailler, de faire des études ou d'obtenir un passeport sans l'approbation de leurs tuteurs, des hommes de leur famille. Elles doivent porter une tenue les couvrant de la tête au pied, alors que Sophia portait une robe sans manches et ne portait pas le Hijab.
Autre point problématique soulevé par les internautes, le sort des migrants en Arabie saoudite. Le royaume accorde la citoyenneté à un robot, tandis que le racisme progresse dans la société et que les expulsions des travailleurs devenus “illégaux” égyptiens, asiatiques et indiens se multiplient. En mars dernier, le gouvernement saoudien prévoyait d'expulser 5 millions de migrants illégaux selon Le Courrier International.
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