Est-ce réellement la faute des montres connectées si les « breloques suisses » se vendent mal ? C'est la question pertinente que se pose cette semaine Xavier Comtesse, qui nous explique le fonctionnement du système Sell in/Sell out.
Tout le monde le sait maintenant, les montres connectées ont dépassé les montres suisses au dernier trimestre 2015. Mais ce qui est moins connu c'est que cela concerne le nombre de montres mis en vente dans les boutiques (« Sell in ») et non pas les produits vendus aux clients finaux (« Sell out »).
La différence entre le Sell in et le Sell out
Ainsi, si l'on ne vend pas, alors la marchandise a tendance à s'accumuler dans les rayons des boutiques et les horlogers vont devoir d'une manière ou d'une autre reprendre ces stocks d'invendus…
Par exemple, l'année dernière dans la plupart des boutiques de l'horlogerie suisse dans le monde, 2015 a été une année du stockage de montres !
Cependant, il faut bien visualiser la particularité du mécanisme de distribution des montres mécaniques suisses pour comprendre cet aspect « surprenant » du métier.
D'abord, les marques suisses vont exporter la quasi-totalité de leur production vers l'étranger en comptabilisant dans leur bilan ces « ventes ».
La marchandise part en boutique déjà « vendue », non pas au consommateur final, mais aux intermédiaires. On appelle cela dans le jargon le « SELL IN ». (Le « SELL OUT » étant l'opération de vente vers le client final).
De plus, le prix « export » est arbitraire et tourne en moyenne pour l'ensemble des montres exportées autour de 750 CHF/pièce. Ce chiffre ne correspond pas au prix final qui lui va beaucoup varier selon la destination (adaptation différenciée du taux de change aux pays destinataires !) ou si la montre va finir au marché « gris » (vente à prix cassé de matériels neufs, mais considérés comme vieux – cf. ancien modèle). Ou encore s'il y a une reprise par le fabriquant !
Bref, on vend sans vraiment vendre… Car si la marchandise n'est pas écoulée alors la marque horlogère va devoir reprendre (en totalité ou en partie) les invendus pour pouvoir exposer les nouveaux modèles.
« Vous voyez d'ici l'imbroglio. On vend, mais on doit tout de même reprendre les invendus! »
Ainsi de manière très concrète si l'on regarde la comptabilité 2015, par exemple pour le groupe Swatch, on voit qu'il y en a bien eu pour 8,4 milliards de vente, mais que le stock est maintenant comptabilisé à 6,2 milliards au lieu de 5,9 en 2014 .
Cela signifie que le stock a grossi officiellement, en une année, de plus de 300 millions de francs suisses, et ceci sans tenir compte de l'effet de change (franc fort) qui aurait du en principe faire dévaluer la valeur du stock (valeur de rachat) ! Imaginez-vous si on avait défalqué de 10% le stock. Alors il y aurait d'un seul coup près d'un milliard de différences !
Comprenez bien : on est toujours dans du virtuel. De plus, le stock ne sera certainement pas vendu entièrement au prix comptable. Donc, il faudra bien un jour ou l'autre inscrire des pertes. D'autant plus qu'à ce niveau de stock (6,2 Mia) cela représente tout de même près de cinq années de bénéfice (fixé à 1,4 Mia en 2015) !
Toute cette démonstration est importante, car c'est plus ou moins la même chose – pour n'importe quelle marque horlogère suisse . Le « sell in/sell out » étant une pratique généralisée dans la profession.
C'est pourquoi il faut toujours regarder la fluctuation des « breloques en stock » . Si vous voulez connaître la santé d'une marque, c'est le seul indicateur de certitude !
[author title= »Xavier Comtesse » image= »https://www.objetconnecte.com/wp-content/uploads/2016/03/xavier-comtesse-bio.jpg »]En 1972 il est gradué en mathématiques, puis quelques années plus tard docteur en informatique de l'Université de Genève. Dans les années 70/80 Il est le créateur de trois start-ups à Genève : les éditions Zoé, la radio locale Tonic et « Le Concept Moderne » société d'intelligence artificielle.. En 1992, il rejoint le gouvernement suisse comme assistant personnel du Secrétaire d'Etat à la Science. En 2000 il crée la première consulat scientifique à Boston appelé « swissnex… puis rejoint le Think Tank Avenir Suisse en 2002. En 2010 il co-crée le Swiss Creative Center à Neuchâtel (Suisse) et en 2015 il lance deux cercles de réflexion : «HEALTH@LARGE», un tout nouveau Think Tank sur la Santé Numérique et « MANUFACTURE 4.0 » sur la révolution industrielle en cours.[/author]
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