ESCP Europe organisait ce matin sa première rencontre autour de sa Chaire IoT. Les intervenants, de véritables experts, ont parlé devant quelques membres d'entreprises et un parterre d'élèves de la valeur d'usage et les modèles économiques à mettre en place autour de l'Internet des Objets.
9 heures du matin. Nous voilà dans ce qui semble être un amphithéâtre dédié habituellement au cours des étudiants de l'école de commerce parisienne du réseau ESCP Europe. Sauf, que devant nous le professeur, Sandrine Macé professeur et directeur de la Chaire IoT, laisse rapidement sa place aux intervenants.
Tout d'abord, les partenaires d'ESCP, Schneider Electric et Valeo, par l'intermédiaire de leur porte-parole ont présenté leurs avancées dans l'IoT en évoquant principalement la transformation digitale que leurs entreprises ont mise en place ces dernières années. Cyril Perducat et Derek De Bono, chacun dans leur domaine de prédilection, ont expliqué la création de la valeur, et l'apport de nouveaux modèles économiques avec l'IoT.
Ces deux entreprises proposent historiquement des équipements aux professionnels de leur marché respectif. Schneider Electric qui vend des produits de gestion d'énergie a revu son approche en connectant au Cloud ses créations. Ainsi, les possibilités de gestion, de visualisation des données sur mobile ou de maintenance prédictive permettent à la firme de proposer un modèle basé sur des services à ses clients. « Nous ne vendons plus seulement l'outil, mais le logiciel et les services qui vont avec » affirme Cyril Perducat. Nos clients veulent pouvoir utiliser les données produites et en tirer des informations cruciales pour leurs entreprises » ajoute-t-il.
Des modèles économiques innovants
Du même coup, l'organisation de Schneider Electric a subi des modifications importantes pour intégrer à la fois la demande technologique et à la fois les changements de vendre les solutions de gestion d'énergie. Le plus difficile dans cette opération, « rendre le modèle économique viable sur le long terme« . En effet, il faut investir massivement pour développer les services et les résultats financiers en pâtissent sur le court terme. Le but, créer des nouveaux revenus récurrents, qui permettent de prévoir la création de valeurs.
Valeo présente de son côté une approche plus classique. Ici, la transformation se situe principalement au niveau de l'usage. Concrètement, l'équipementier industrialise le futur de l'automobile en fabriquant en masse les capteurs, les radars, et les scanners lasers nécessaires à la conduite connectée et autonome. « Nous rendons abordable les technologies d'avant-garde mises en avant par les géants comme Google avec sa voiture autonome » se targue Derek De Bono, Directeur Marketing Produit pour Valeo.
Ces deux cas d'usage ne pouvaient suffire à se faire une idée de la transformation. Comme lors de l'événement organisé par l'association Cap'Tronic, Olivier Ezratty a noté la difficulté de créer de la valeur actuellement. Selon lui, le problème majeur provient de la démocratisation, de la baisse des coûts des capteurs et du Cloud. Avec la généralisation du smartphone à travers le monde, les composants ne coûtent plus grands-chose à produire et les objets du même type se multiplient en direction du grand public. Il devient alors difficile de se démarquer sur un marché fortement concurrentiel tout en proposant des solutions véritablement utiles au quotidien.
De véritables enjeux de mutation pour les entreprises
Dans cette optique, Martin Kupp Directeur de la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe explique que l'on passe d'un modèle de Physical Freemium, d'objets chers qui font profiter de fonctionnalités avancées à petit nombre de personnes au modèle « X as a service« . Avec l'apport de l'Internet des Objets et l'utilisation des données tout objet s'accompagne d'un abonnement ou d'extensions. Cette manière de concevoir les produits entraîne en contrepartie de profonds changements pour les entreprises.
Cette analyse est confirmée par Christophe Brasselet, Senior VP Industrie pour Accenture. Selon lui « les projets IoT sont les plus complexes à mettre en oeuvre. La technologie est là, mais en sortir des revenus, c'est plus difficile. » De même, cela implique un changement culturel au sein des entreprises. « Si vous proposez des nouveaux modèles économiques , il est compliqué de les faire cohabiter avec des modèles plus classiques« .
Pour Antoine Denoix, Directeur digital et Data officer chez Axa, l'IoT et le Big Data change complètement le fonctionnement de l'assurance. Avec « le choc de la relation client en direct » et la valeur ajoutée apportée par les objets connectés, les agences doivent s'adapter à ces nouveaux produits. « Quand on est habitué à faire remplir des formulaires et proposer des contrats en fonction du passif des clients, aborder le sujet des objets connectés n'est pas aisé« .
Si les services proposés changent la place de l'assurance dans la vie des clients au sujet de l'habitation, de santé ou de mobilité, la question de la responsabilité reste forte. Qui de l'assureur ou de fabricant prend la charge d'un cambriolage si le matériel connecté a eu un bug ? Comment respecter sa propre éthique et la loi tout en continuant à innover face aux géants d'Internet, les GAFA ?
ESCP : sensibiliser à la montée en puissance de l'Internet des Objets
Plutôt discret pendant les sessions de questions-réponses, les étudiants n'ont pas hésité à discuter avec les intervenants. Il faut dire que face à eux, ces experts les ont mis devant les grandes qualités et les défauts de l'Internet des Objets. Cette approche du sujet par les grandes écoles est nécessaire. Les enseignements de l'ESCP Europe n'ont pas encore de formations dédiées à ce domaine.
Un manque qui sera prochainement comblé par l'ouverture d'un programme de formation de 120 heures par an dans le cadre de cette Chaire IoT. « Nous allons mettre en place un enseignement transversal. Nous ne sommes pas uniquement concentrés sur l'aspect économique, mais souhaitons aborder les questions éthiques, légales, de conceptions, ou encore de ressources humaines avec nos étudiants » affirme Sandrine Macé. Avec cette journée de « mise en bouche », l'ESCP Europe semble bien partie pour sensibiliser les futurs entrepreneurs et salariés à l'intérêt majeur de l'IoT.
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