LE CROWDFUNDING
INTERVIEW
VINCENT RICORDEAU ET ADRIEN AUMONT
Quelles sont les bonnes pratiques pour mettre un objet connecté en campagne de financement participatif ?
1re règle, il faut avoir un objet connecté ou un produit fini qui attire déjà l’attention d’un premier cercle de communauté. Quand on est connu ou inconnu, il faut avoir sa propre communauté. Par définition, lorsque l’on est inconnu, la communauté est plus réduite. Le premier cercle de cette communauté vient valider la crédibilité du projet. Cette communauté vient quantifier le montant que doit avoir l’objet et combien il doit recevoir en financements globaux. Par exemple, si l’on vise 10 000 euros de financement pour une communauté de 50 personnes, ça va être ambitieux. Il vaut mieux évaluer le meilleur ratio potentiel vis-à-vis de la communauté réelle que l’on a et réajuster ensuite pour toucher le deuxième (les “amis des amis”) puis le troisième cercle (“le village global”), que de surévaluer une campagne de financement participatif et ainsi rater le coche.
Il faut donc fixer un objectif en fonction de la taille de sa communauté pour aider la campagne à décoller, c’est la vraie clé.
Ensuite, on mène une collecte de fonds comme un a un job à plein temps. Aux États-Unis, des campagnes de RP font office de teaser pour donner une rampe de lancement à des collectes de fonds. Des dizaines de milliers d’euros peuvent être investis pour ces teasings.
Il faut communiquer donc avant, pour l’annonce, pendant (très intensément) et après, pour assurer le suivi. Quelque soit le projet, s’il y a une bonne organisation: un teasing réalisé, un community management bien géré, des démonstrations et des invitations à l’extérieur.
La collecte ralentit quand la personne qui s’en occupe ralentit sur sa démarche. La logique est la même sur le territoire nord-américain.
Il y a une différence de marché entre les objets connectés aux États-Unis et l’Europe. Il y a une plus grosse communauté techno-appétente aux États-Unis, mais le taux d’échec des campagnes est énorme. Très souvent, dans la catégorie de produits objets connectés, le travail n’est pas très bien fait, car les startups partent du principe que l’objet connecté se suffit à lui même.
Sur Kickstarter, les projets ne sont pas accompagnés contrairement à KissKiss. C’est une de leur valeur ajoutée forte. L’accompagnement prend la forme d’un partage des bonnes pratiques de campagne, un partage des contacts et du réseau. Le succès est le mode de rémunération; la structure a donc tout à gagner à faciliter le succès des financements.
Il est également important de débriefer la campagne. Il existe un taux d’échec important sur ces plates-formes. Se demander pourquoi est un travail utile pour la pérennité de la société.
À noter, le flux de projet est constant, mais connaît un creux en août.
Votre meilleur conseil, Vincent? “Être crédible!”
Adrien Aumont : responsable de l’équipe projet. Que constatez-vous sur les plateformes de crowdfunding ?
Nous constatons une grande vague avec vidéos très techniques alors qu’il faudrait créer de l’émotion, proposer un voyage à la communauté. Les Américains sont en avance, indéniablement. De plus, il s’agit de s’affranchir d’une certaine culpabilité par rapport à l’argent. Le message à passer n’est pas “aidez-moi”, mais “soyez des entrepreneurs, des pionniers”.
Une autre de nos forces est d’être ancré solidement sur le territoire, avec une équipe, ce qui n’est pas le cas de Kickstarter ou marginalement pour Indiegogo qui vient de recruter une personne en France.
Adrien Aumont : Est-ce que l’on peut vous solliciter dans une phase prototypage, mini-séries ou d’industrialisation ?
Il faut considérer que le crowdfunding a pris une place dans toutes ces étapes. On peut réussir sa campagne sur une promesse, mais le risque est, bien entendu, plus élevé du côté des investisseurs. Plusieurs projets, sur d’autres plateformes, ont mené à des déceptions comme celui qui a levé deux millions de dollars et qui n’a jamais été délivré.
Où trouver les “crowdfunders”, les “backers”, les investisseurs. Où sont ces gens ?
Il faut faire une cible fine de sa communauté : premier cercle (amis/famille), 2e cercle : early-adopters. On doit savoir où les trouver, c’est-à-dire identifier les canaux de communications privilégiés vers ces communautés plutôt grand public. Les médias traditionnels sont un canal, mais ils sont sur sollicités d’où la nécessité de produire une vidéo qui sort du lot pour avoir un début d’exposition.. 3e cercle : fans d’objets connectés ou de produits de niches. Notre travail est éminemment marketing._
- Quelles sont les premières questions à se poser dès lors que l’on met un produit sur le marché?
- Quel est mon marché?
- Combien de personnes pour quel effort?
- Quel taux de transformation et pour quel effort?
- Quels avantages compétitifs?
Une analyse marketing haut-niveau, avant même tout effort technique, permet de ne pas se tromper de combat. La stratégie avant la tactique.
Dans une campagne, quel est le rôle de la vidéo vs le texte ?
Créer un lien émotionnel fort! C’est l’émotion qui est le meilleur prescripteur. Il permettra de donner une vision ou de délivrer une promesse dans de bonnes circonstances. Je préfère un prototype d’un produit qui ne marche pas, mais qui sera un best-seller qu’un produit qui marche.
Comment définir le prix de vente ?
C’est un calcul assez maîtrisé maintenant entre les coûts et les marges. Même sur l’émergence de plateformes comme la nôtre. Mettre un prix trop élevé et vous resterez avec vos invendus, mettez le trop bas et vous n’aurez plus de cash pour avancer. Panne sèche.
Le prix est important. Il reflète une valeur. Les opérations blanches, c’est à dire qui ne dégagent ni déficit ni bénéfice sont encore trop importantes. Je suis tracassé par les levées de fonds réalisées aux USA dont une très grosse partie des revenus sont engloutis dans les opérations de comm’ entre vidéos, des agences RP et acquisition de trafic.
Mais opération inutile. Je ne donne pas de conseil dogmatique. L’usage répétitif des mêmes vidéos, même format qui a fait ses preuves. Dans les prochaines années, elles seront des publicités ces campagnes. Elles devront être encore plus créatives et singulières, mais c’est vrai que pour l’instant c’est toujours pareil en fait. Manque d’originalité. Je ne sais pas si le public en a encore conscience.
LA BPI
La Banque publique d’investissement est le bras armé de l’état dans sa politique souveraine en termes d’innovation.
La BPI résulte de la fusion de plusieurs entités anciennes regroupées en une seule à bonne fin d’efficacité. C’est l’organisme en charge des financements des projets.
PLUS SUR LA BPI
ETAPES D'INVESTISSEMENTS
Voici les différents financements mis en place par la structure :
Le iLab est un concours national d’aide à la création d’entreprises co-gérées entre le ministère de la Recherche et la BPI. Il récompense entre 60 et 150 startups par an.
Est éligible toute entreprise de technologie innovante créée sur le territoire français. Le candidat doit être le futur dirigeant. La subvention maximale est de 450 k€ à hauteur de 60% des dépenses éligibles (personnel, équipement, fonctionnement). Les points d’entrée sont les directions régionales de la BPI.
La bourse French Tech a été créée en 2014 pour aider les entreprises accélérées ou les jeunes pousses de moins d’un an. Son montant maximal est de 30k€ (hors émergence) et 45k€ (émergence) à hauteur de 70% des dépenses éligibles (personnel, fonctionnement, frais externe).
Le prêt d’amorçage fut créé en 2005 et s’oriente sur les sociétés de moins de 5 ans (- de 10 millions de CA + une aide à l’innovation déjà accordée par la BPI). Le prêt peut être accordé sans garantie ni caution, entre 50 et 100k€ jusqu’à 300 k€ en cas de garantie de la Région à hauteur des fonds propres.
Le prêt d’amorçage investissement est le dispositif phare pour les startups en phase de levée. Il vise à abonder la somme levée après de VC et BA (incluses les plateformes de crowdfunding ayant le statut d’investisseur par l’AMF) entre 100k et 500k€, 1M€ à titre exceptionnel. Sont éligibles, les startups de moins de 5 ans ayant déjà été amorcée à hauteur de 200 k€ minimum.
L’avance innovation intervient dans un stade de maturité plus abouti de la société. Y sont éligibles, les sociétés de moins de 2000 personnes. Le montant de cette avance peut couvrir 25 à 65% de l’assiette des dépenses retenues.
LES CONSULTANTS EN FINANCEMENT
INTERVIEW
ERIK VAN ROMPAY, DIRECTEUR GENERAL PNO CONSULTANTS
Quelles aides sont proposées par PNO Consultants- Experts en financements publics ?
Nous sourçons des aides classiques pour toutes les sociétés innovantes type les dispositifs du crédit impôt recherche. Notre différenciant? Nous avons des ingénieurs spécialisés dans l’innovation. Ils vont identifier pourquoi le projet va être innovant, trouver des partenaires pour réaliser si ce projet-là va aller avec les objets connectés.
Quelles aides publiques ? Parfois il faut candidater seul, parfois avec deux ou trois partenaires. On va chercher le bon mix pour avoir le bon dossier possible. Si l’impact sociétal est plus fort, on peut aller vers l’Europe avec un avantage fort, à savoir que les budgets sont beaucoup plus importants.
Important : des appels à projets faits par la Commission européenne. Les fonds arrivent avec un bon dossier, les fonds arrivent
de suite.
En France nous traitons beaucoup de questions sur les fonds propres de la société. Si une startup française est jeune, elle n’a pas nécessairement beaucoup de fonds, donc les financements vont être limité.
Ensuite, pour monter un dossier dans les objets connectés en France et en Europe, il ya quelques spécificités. La difficulté principale pour les objets connectés dans l’optique de cette récolte de fonds publics, c’est l’évolution des technologies.
Dans la plupart des cas des financements publics sont définis sur deux ans. Sur les objets connectés, de deux à cinq mois. Il faut intégrer plusieurs versions, mises à jour de toutes ces technologies et objets pour trouver des instances françaises, type ANR ou ADEM pour l’écologie et l’énergie ( ANR : recherche et hôpitaux. BpiFrance pour les industries). Il faut les convaincre que le projet, même si les technologies changent tous les trois quatre mois et que cela est pris en compte dans le projet. On va travailler avec une méthode itérative pour arriver au bout du process. C’est un cas de figure que nous n’avons pas dans les projets classiques.
Le crédit impôt recherche- CIR- fonctionne très bien pour ce segment de marché. On est dans l’innovation et ce dispositif leur ait tout à fait dédié. En revanche, il ne correspond pas à une demande immédiate qui est l’arrivée d’argent frais dans la mesure où c’est un dispositif rétroactif.
Quels sont vos clients?
On a des accords de confidentialité avec nos clients, je ne peux rentrer dans les détails. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons gagné récemment deux dossiers. L’un d’eux est un objet connecté qui suit les patients dans les hôpitaux. C’est plus de la logistique pour savoir combien de temps les patients sont dans un certain service, bracelet au patient. On sait qu’ils
sont dans un service radiologie, etc. Ça permet d’optimiser le flux des patients dans les hôpitaux.
L’autre est centré sur les textiles connectés, mais je ne peux en dire plus, mais vous avez compris que l’IoT est un sujet qui passe en commission.
Comment lorsque mon produit est là puis-je le mettre sur le marché ?
C’est une question importante, celle de la gestion du cash. Nous voyons régulièrement des startups qui développent un produit, mais plus d’argent pour le mettre sur le marché. Évidemment, cela n’est pas bon. Où est le DAF? Cette partie de l’accompagnement des startups est également dans notre proposition de valeur.
Nous allons développer le produit avec les consultants type PNO pour faire la différence. La startup est spécialisée dans le produit et nous allons essayer de trouver des financements pour aider la société. On sait que les concours sont très durs à gagner. On travaille donc ensemble en partageant le réseau et l’écosystème, on a beaucoup plus de chances d’y arriver. il faut bien convaincre les instances de la maîtrise du sujet et de la rapidité de l’évolution pour obtenir les financements. Les experts qui vont valider le dossier, nous les connaissons bien, nous connaissons leurs critères :maîtrise, innovation et réalité d’une demande marché.
Si un objet connecté donne des informations, très bien, mais il faut résoudre des problèmes de société, chiffrer l’impact… Les différentes instances vont suivre très facilement. Par exemple, lorsque je parlais du textile connecté, c’est lié d’un côté des patients et des équipes de secours type pompier. Si un pompier est devant un feu, on va mesurer la température du textile et lui envoyer des informations pour qu’il maîtrise son risque au danger. Même chose avec des capteurs de gaz dans le textile : attention il faut que je me retire. Impact immédiat.
Si l’impact est moindre ou seulement esthétique : pourquoi investir? C’est la question!
Il faut avoir un impact fort, bien montré comment ça s’identifie et se chiffre et comment la société qui va développer le produit peut obtenir ce résultat. En tant qu’ex-entrepreneur, j’ai créé 5 startups , j’aide les startups à mieux identifier leurs besoins. Je pense qu’une startup sur 2 que je vois formule mal leurs produits, leurs itérations ou leur vision. Nous sommes là pour les aider à passer un cap.