Lorsque l'on délie le fil de l'histoire de Jabra, c'est 146 années d'existence que l'on déroule. Et, des kilomètres de câbles, de l'Europe à l'Asie de l'Est, déployés dès 1869 pour connecter le monde au télégraphe. Et aujourd'hui, en 2015, Jabra commercialise des écouteurs sans-fil avec capteurs de fréquence cardiaque pour sportifs. Nous avons eu l'occasion d'interviewer Peter Hartmann, Responsable des produits destinés aux particuliers chez Jabra, et ainsi envisager comment se situe un vétéran du sans-fil dans le monde actuel.
L'origine du nom de Jabra
Lorsque GN Netcom a acheté la société Jabra en 2000 (voir repères historiques en fin d'article) à San Diego, les gens à l'origine de Jabra avaient démarré leur activité avec une philosophie : le téléphone mobile est important et il allait prendre beaucoup d'ampleur dans les années à venir. La communication avec les appareils par la voix pourrait devenir une norme, donc, les écouteurs doivent aussi être équipés de micros.
La fondatrice de Jabra, Randy Granovetter a l'expérience de nombreuses entreprises avant d'arriver chez Jabra. Elle a même été conseillère de Bill Gates. Quand elle est arrivée chez Jabra, elle voulait un nom qui sonne bien, avec cinq lettres, comme pour la marque Apple. Et la solution est venue de sa petite fille, âgée de six ans à l'époque. Entendant sa mère converser tout le temps au téléphone, sa fille lui disait qu'elle ne faisait que “jabber jabber jabber”, un verbe anglais qui signifie parler vite, de façon excitée, et dans tous les sens. Ce terme a donné le nom de la marque, “Jabra”. “On ne peut pas trouver le sens du mot “jabra” dans le dictionnaire, mais l'intérêt, c'est que ça parle de communication.” précise Peter Hartmann.
Le téléphone mobile, outil du passé, et la voix, technologie du futur
D'après l'historique de la marque, des lignes télégraphiques, aux prothèses auditives et aux casques avec puis sans-fil, le groupe GN Netcom qui a racheté Jabra en 2000 a toujours été intégré dans un processus de facilitation de la communication. Avec l'arrivée de la téléphonie mobile, Jabra a souhaité trouver des solutions qui offrent des avantages aux usagers de téléphones, puis, de smartphones.
« Les accessoires audio sont aussi importants que le reste. Il faut trouver des solutions pour que le téléphone mobile puisse contrôler des choses, chez soi, ou dans une voiture, et que ceci soit authentifié par la voix. La voix doit aider à travailler », selon Peter Hartmann.
En se projetant dans l'avenir, Peter Hartmann apprécie la capacité actuelle de nos outils du quotidien à être de plus en plus personnalisables et contrôlables à distance, mais regrette toutefois que le smartphone ne soit pas déjà devenu une télécommande universelle pour tous nos objets.
« Je vais peut être faire de la controverse en disant ça, mais le smartphone, aujourd'hui, c'est un peu désuet. C'est un appareil qui continue à prendre de l'ampleur, et à être vendu massivement, mais il perd de son pouvoir. Il ne peut pas contenir toutes les données, ces “datas” migrent vers le Cloud. Quand je regarde des films de science-fiction, tels que Star Trek ou Matrix, je pense sincèrement que le futur a mieux à nous offrir en partant de la voix, et le téléphone en guise de télécommande. » Peter Hartmann, responsable des produits destinés aux particuliers chez Jabra.
L'expert du sans-fil a aujourd'hui des ambitions en matière d'interopérabilité de ces systèmes entre eux, et aimerait opérer une convergence des outils, pour obtenir des produits multi-tâches perfectionnés. De nombreux produits sont connectés en Bluetooth, ce qui permet d'exploiter des données sans-fil avec une consommation moindre d'énergie, mais de nouveaux usages faisant surface, Jabra essaye de ne pas perdre le fil.
“Notre compagnie a un gros savoir faire sur l'écosystème et l'audio. Tu parles, et cela active une commande. On a l'opportunité d'augmenter le développement de nos appareils afin de permettre de nouveaux usages, en faisant plus que du Bluetooth. C'est pourquoi nous essayons d'inclure des centres de collectes de données biométriques dans nos produits”.
Jabra fait partie des entreprises pionnières dans les solutions adaptées à la téléphonie mobile et à développer des objets connectés, et ce dès les années 90. Plutôt centrés sur le marché BtoB à l'origine, la société vend actuellement ses produits de bureautique et ses produits pour les particuliers à ratio équivalent, 50/50. Mais le marché, en constante évolution, leur pose de nombreux défis :
« Aujourd'hui, on essaye d'améliorer l'expérience de l'usager et nous adapter à des clients de plus en plus privés. Les gens commencent à adopter de nouvelles façons de travailler, ils sont plus “locaux”, on leur demande aussi de pouvoir travailler à domicile. Notre intérêt est de faire des convergences. Par exemple, vous écoutez du son dans votre vie privée. Il y a dix ans, les gens avaient un Blackberry ou un Nokia, et un iPod pour la consommation musicale. Soudain, on a des téléphones qui font les deux…Des téléphones qui font appareil-photo avec une résolution super. Les smartphones permettent d'avoir seulement un seul appareil en main. Je ne pense pas que les écouteurs puissent déjà faire ça. Mais je suis un mauvais représentant du public moyen parce que j'ai des écouteurs pour tout, pour ma voiture, pour mes séances de fitness, pour les vacances… Jabra a l'opportunité de créer des écouteurs plus intelligents aux usages plus convergents, et c'est ce que nous avons prévu de faire. »
Pour parfaire ses équipements, Jabra réalise des sponsorings dans le sport. Grâce aux tests en conditions réelles de leurs écouteurs sans-fil par des sportifs, par exemple, ils obtiennent des feedback précieux et des crash tests détaillés. Le but : savoir si les écouteurs fonctionnent toujours correctement en mouvement, sous la pluie, avec la transpiration, ou des conditions météorologiques extrêmes. En 2015, Jabra est partenaire du ITU World Triathlon, un triathlon d'ampleur internationale qui centralise vingt événements autour du monde, d'Abu Dhabi, à l'Australie, en passant par l'Europe, jusqu'aux Etats-Unis, avec des athlètes qui se qualifient pour les jeux Olympiques. Ici, le quintuple champion du monde de triathlon, Craig Alexander, portant les écouteurs Jabra Sport :
« Pour être plus spécifique sur l'intérêt pour nous de ces sponsorings : l'audio est une chose étrange. Plus vous êtes proche de l'oreille, plus vous entendez avec le moins de fuites possibles du son. Mais quand vous courez, pourtant, vous devez pouvoir entendre le trafic et ce qui se passe autour de vous. Nous devions trouver des moyens intelligents d'aider les gens à écouter de la musique tout en ayant conscience de leur environnement auditif alentour. Nos écouteurs permettent aussi de mesurer la fréquence cardiaque et même le niveau d'oxygène dans le sang. Pour le triathlon en particulier, il faut pouvoir savoir quand reprendre la compétition après une période de récupération. Grâce à ces données biométriques, vous savez quand vous pouvez vous entraîner à nouveau. »
Le marché européen et français
Selon Peter Hartmann, responsable des produits destinés aux particuliers, le marché européen et français est plutôt proche du marché américain et chinois.
“Si je regarde mes clients européens, il faut pour les satisfaire leur offrir des solutions flexibles. Il faut intégrer l'entraînement physique à leur vie quotidienne. J'ai eu un rendez-vous avec la Fnac à Paris, il y a deux semaines, et là bas ils sont très spécialisés niveau fitness, mais aussi la maison connectée et comment les objets autour de nous vont devenir intelligents. Nous utilisons ces marchés pour savoir quelles sont les tendances pour le reste du monde. Et la Fnac est intéressante pour nous parce qu'ils développent des rayons spécialisés.”
Nous avons pris la liberté d'interroger Peter Hartmann sur sa crainte de l'arrivée sur le marché des écouteurs de l'entreprise Bragi, “The Dash”, des écouteurs sans-fil qui combinent écoute musicale sans-fil avec reconnaissance des mouvements pour changer sa playlist et données biométriques. Voici sa réponse :
« Je pense que des entreprises telles que Bragi ou Hearing, une société danoise spécialisée dans le son, et tous les projets Kickstarter sont importants dans notre industrie. Ils veulent introduire de nouvelles technologies sur le marché. Notre rôle est de prendre les technologies existantes et de les apporter au bon moment afin d'améliorer l'expérience-usager. Je connais pas mal de gens qui travaillent chez Bragi, leur mission est super. Ils ont eu l'idée de prendre plusieurs technologies pour les fondre dans un seul objet. Nous avons décidé de faire les choses un peu différemment, nous ferons des produits plus spécifiques en utilisant les mêmes technologies. »
Et P.Hartmann d'ajouter que GN Netcom et Jabra font la même chose que Bragi depuis quinze ans, avec la sortie de Jabra Link par exemple (un activateur de communications unifiées). « La technologie n'est pas nouvelle. On sait qu'on va se positionner sur le même créneau qu'eux à un moment, ça viendra, mais je ne peux pas encore vous en parler”.
Le CES de Las Vegas, vitrine incontournable pour Jabra
Présent chaque année au CES 2015, Jabra tient à participer au Consumer Electronics Show pour rencontrer des entreprises fabricantes de composants électroniques, chipset, etc. Grâce à la rencontre de ces concepteurs, Peter Hartmann espère que Jabra puisse travailler main dans la main avec des composants toujours plus innovants, s'entraider dans le futur.
“C'est une occasion de voir les tendances, de parler industrie, et voir qui mène la compétition. Et parfois, il se passe des choses moins évidentes au premier coup d'oeil. Il y a trois ans, j'ai voulu discuter avec des start-ups chinoises et taïwanaises, voir leurs ingénieurs, leurs idées. J'ai trouvé un stand dans un tout petit coin du CES, deux personnes étaient là. Leur composant, nous l'avons intégré à nos produits, depuis. »
Le CES est également une vitrine incontournable pour l'annonce de nouveaux produits. Et Jabra a prévu le lancement de projets dans la catégorie audio, pour 2015, quelques appareils en relation avec le Bluetooth et la voix, toujours pour améliorer cette fameuses expérience-usager, et offrir de la maniabilité.
Success-story de la gamme Jabra Sport
Jabra a misé sur une gamme sportive (dont nous parlions précédemment avec le sponsoring de l'ITU World Triathlon) et d'après les dires de Peter Hartmann, c'est un succès, depuis le lancement.
“Quand je parle aux journalistes de transmission de données par les oreilles, ils me disent que je suis fou. Le fait est que vous pouvez aller chez le docteur et il prend votre température dans l'oreille. Plus on est proche du corps, plus la mesure est précise. Avec un clip ou un strap sur les vêtements, ça bouge, c'est un peu moins précis. Les écouteurs, ça bouge avec vous. Avec la seconde version de l'application, nous avons connu un véritable succès, et les ventes continuent d'augmenter. Nous viendrons avec de nouveaux produits d'ici l'été prochain.”
Jabra dispose de 120 000 points de vente à travers le monde, en France, aux Etats-Unis, dans les grands réseaux de distribution et s'établit depuis 2013 en Chine.
Le mot de la fin appartient à Peter Hartmann :
“Il est important de dire que notre marque n'est ni une marque fashion, ni destinée à faire du marketing avec des célébrités. Nous sommes des chercheurs en intelligence, et nous cherchons à faire toujours plus de ce côté là. Quand je vois Steve Wozniak, ou Steve Jobs, ils font des produits cools qui changent la façon dont nous vivons dans le monde. C'est ce que nous sommes, des inventeurs. »
Jabra, c'est aujourd'hui toute la chaîne de développement et production d'une série de casques sans fil reliés au téléphone mobile et des solutions avec ou sans-fil à l'usage des professionnels des centrales d'appels notamment. On trouve les produits Jabra en France dans des magasins physiques et par vente en ligne, de Colette à Auchan, en passant par Rue du Commerce, Darty, LDLC et autres grands distributeurs.
L'Histoire de Jabra, une saga de 150 ans
Jabra commence avec un homme nommé C.F Tietgen, un magnat de l'industrie Danois qui établit “The Great Northern Telegraph Company (La Compagnie du Télégraphe du Grand Nord)” en 1869. Et Tietgen a une idée : profiter de l'emplacement du Danemark pour créer des lignes de télégraphe reliant la France et l'Angleterre avec la Russie et l'Asie de l'Est.
Lors des 100 dernières années, GN a étendu ses opérations télégraphes, ouvrant la première connexion télégraphique de l'Europe du Nord vers la Sibérie, le Japon et Hong-Kong en 1872.
Jabra – Les dates « clés » :
En 1907, GN fut l'une des entreprises leader mondial du télégraphe. Son réseau consistait en 15 600 kilomètres de câbles télégraphiques, qui connectaient un réseau avancé en Europe du Nord et en Sibérie. Le réseau le plus sophistiqué en Asie de l'Est.
En 1969, GN fête son centième anniversaire en ouvrant une connexion russo-nippone. Avec son expansion, le réseau câblé de GN couvre aujourd'hui l'Amérique du Nord, via la Sibérie vers le Japon.
En 1977 : De nouveaux secteurs de produits font leur entrée. GN fait l'acquisition de Danavox, concepteur de prothèses auditives. Cette acquisition marque un tournant dans l'histoire de GN.
Au début des années 80, GN Store Nord acquiert la société de bureautique Netcom, de Rovsing A/S.
1985 : Nouveau nom, GN change de Great Northern Telegraph Company à Great Nordic pour offrir une nouvelle identité au group. La société renomme toutes ses filiales : GN Danavox, GN Nettest, GN Automatic, etc…
1986 : Lors d'un meeting en Septembre de cette année, GN décide de déménagement la production des écouteurs de GN Danavox à une nouvelle division télécom. La nouvelle division prend le nom de GN Netcom, nom d'un concepteur de produits de bureautique que GN a acquis en 1984.
1987 : Les ventes de GN Netcom augmentent de 34%, réalisant ainsi leur plus belle année. GN Netcom établit des filiales au Canada, aux Etats-Unis et en Allemagne de l'Ouest et promet à ses actionnaires de développer ses premiers casques sans-fil.
2000 : GN Netcom fait l'acquisition de Jabra, une société leader dans la conception d'appareils sans-fil pour téléphones mobiles aux Etats-Unis.
2006 : GN déménage dans un nouvel immeuble avec 50 000 mètres carrés de bureaux au Danemark. Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, tous les départements de GN sont réunis dans un seul immeuble.
2009 : Les casques de GN sont vendus autour du monde sous le nom de Jabra. En unifiant toutes les fonctionnalités des casques sous une marque, Jabra renforce sa position de leader mondial pour des solutions de casques sans-fil.
2011 : Jabra génére un revenu de plus de 2 milliards de couronnes danoises, loin, très loin des 100 millions de revenus de la compagnie en 1987.
2015 : Jabra s'apprête à sortir de nouveaux produits connectés et surfe sur le succès de sa gamme sportive, embarquant des technologies de plus en plus innovantes, comme la collecte de données de santé dans l'oreille.
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