Après l'annonce d'un plan d'investissement de 5 milliards de dollars dans l'IoT et la Build 2018, Microsoft veut prouver la validité de sa stratégie technologique auprès des groupes industriels. À Issy-Les-Moulineaux, la firme de Redmond a installé un de ses cinquante Microsoft Technical Centers (MTC), des centres d'innovations et de démonstrations. Sans surprise, l'entreprise mise sur la convergence du Cloud, du Big Data, de l'IoT et de l'Edge Computing.
Fort de ses 15 000 visiteurs par an, le MTC d'Issy-Les-Moulineaux permet “d'accompagner les clients et les partenaires incluant les startups autour des nouvelles technologies émergentes que sont les services cognitives l'IoT et la réalité augmentée. Nous les accompagnons de la phase d'idéation jusqu'à la phase de prototype et de mise sur le marché”, explique Laurent Curny, Directeur général de la division Services chez Microsoft France.
Des enjeux de convergence technologique dicté par les besoins des clients
Pour le responsable, cela demande à son entreprise de répondre à trois grands enjeux. Le premier d'entre eux : “la nécessité d'avoir un Cloud intelligent et un Edge intelligent”, affirme Laurent Curny. Ce qui selon lui était un concept l'année dernière est aujourd'hui une réalité. “Les entreprises ont besoin de ressources distribuées extrêmement proches des objets, des machines et des robots connectés afin de traiter des événements en temps réel”.
Ce deuxième enjeu du temps réel se répand à travers différents secteurs de l'industrie. Il faut ajouter à cela des impératifs de sécurité, car augmenter le nombre d'objets connectés fait croître la surface de cyberattaque.
Si l'écosystème de bout en bout conçu par Microsoft intègre le Cloud (Azure Cloud), le CRM et l'ERP (Microsoft Dynamics), les outils bureautiques (Office 365), la gestion d'applications hybride (Azure Stack), la sécurité (Azure Sphere), les services cognitifs (Cognitive Services), l'IoT, dans l'Industrie 4.0, c'est le Edge computing qui prévaut. Cette technologie devient une priorité en même temps que le besoin de puissance de calcul augmente. Il faut dire que l'enjeu du traitement des données en temps réel est sous-tendu par une démocratisation de l'analyse prédictive et de la computer vision ou vision par ordinateur en bon français.
Qu'il s'agisse de POC ou de solutions installés sur le terrain, la combinaison de l'IoT, du Edge computing et de la computer vision prend une place prépondérante dans les cas d'usage présentés par les équipes du Microsoft Technical Center d'Issy-Les-Moulineaux.
Microsoft met en avant son expertise dans la computer vision
Laurent Curny cite notamment le cas de Bühler, une entreprise suisse spécialiste dans l'industrie mécanique de précision pour le secteur de l'agroalimentaire. Elle a développé un système capable de reconnaître les graines malades sur une chaîne de tri. Grâce à un flux vidéo analysé par le biais d'Azure Machine Learning, l'entreprise obtient 90 % d'efficacité.
Un autre partenaire que le directeur de la division services n'a pas souhaité nommée a développé un système de surveillance vidéo qui permet de notifier un agent en temps réel en cas d'intrusion sur un site.
Rockwell Automation utilise un algorithme de computer vision afin d'analyser en temps réel le flux vidéo en provenance d'un drone afin de repérer les problèmes éventuels sur des bâtiments.
De son côté, ABB a mis au point un système de détection des anomalies de fonctionnement sur ses chaînes de production par le biais de l'analyse en computer vision d'un flux vidéo. Il permet de notifier un technicien équipé d'un casque de réalité augmentée HoloLens qui peut être guidé par un expert en temps réel à distance.
Le casque HoloLens est également utilisé par Naval Group afin d'aider ses techniciens au moment de changer les portions de tuyaux dans une frégate. La possibilité de prendre des mesures, de contacter un collaborateur avec Skype, d'afficher des plans ou des modèles 3D facilite le travail des techniciens. Areva a même adapté le casque afin de pouvoir l'utiliser pour la maintenance de ses centrales nucléaires. De la même manière que les caméras installées sur les chaînes de production, Microsoft veut améliorer son HoloLens afin qu'il intègre sa propre unité de calcul afin de gérer localement un algorithme de computer vision. La prochaine version sera équipée de cette puissance informatique supplémentaire.
La maintenance prédictive au service des transports
La computer vision n'est pas la seule technologie utilisée par les industriels. Benoît Le Pichon, évangéliste technologique spécialiste d'Azure présentait le cas d'une entreprise de transport de marchandises dont il n'a pas dévoilé le nom. En un an, celle-ci a mis au point une plateforme de gestion de flottes basé sur le Cloud d'Azure qui exploite les données en provenance des capteurs IoT placés sur différents points cruciaux des camions. Les superviseurs peuvent suivre en temps réel le comportement des véhicules et des chauffeurs.
Un algorithme de machine learning est utilisé pour détecter les problèmes afin d'aider le superviseur à prendre sa décision. Le superviseur peut ainsi surveiller la température d'une cargaison de poches de sang ou de médicaments sensible aux variations environnementales et ainsi savoir si les marchandises sont compromises ou non. Très rapidement, il a la possibilité de reprogrammer le parcours du chauffeur, de le faire arrêter au dépôt le plus proche pour changer la marchandise, etc.
Un autre exemple. En cas de détection précoce d'un problème au niveau du moteur d'un camion, il peut décider de faire arrêter le chauffeur à un garage dans les environs, de reprogrammer son parcours, ou bien de le faire arrêter au dépôt le plus proche et de commander les pièces qui seront nécessaires à la réparation. Pour s'assurer du respect des règles de sécurité, la solution intègre également une fonction de computer vision qui détecte les mauvaises pratiques de déchargement et le non-port du casque. “Si dans un cas donné l'algorithme n'a pas détecté une anomalie, il peut être ré- entraîné en quelques heures”, précise Benoît Le Pichon. Par la suite, il peut être réinjecté dans sa nouvelle version à l'ensemble des véhicules en circulation par le biais d'une mise à jour via le Cloud et la technique Over The Air.
Le fabricant de moteurs Rolls Royce a lui fait appel à Microsoft pour connecter ses moteurs d'avions à un système doté à un système de maintenance prédictive. Le but du constructeur historique n'est plus de vendre des moteurs, “mais de vendre des heures de vol”, assure Benoît Le Pichon. Dotée de 120 modèles de reconnaissance de panne développée grâce aux outils et services disponibles sur Microsoft Azure, la plateforme de Rolls Royce détecte un problème avant la déclaration d'une panne. Puis, il laisse la décision aux pilotes de décoller et aux responsables techniques de changer les pièces défaillantes dans un aéroport ou un autre, suivant les prix pratiqués et l'urgence des réparations. C'est la collaboration industrielle la plus avancée avec Microsoft. “En deux ans, Rolls Royce est passé d'une dizaine d'algorithmes à 120. L'entreprise a commencé par déployer la solution sur quelques moteurs, puis a continué à étendre son service grâce aux technologies de Microsoft”, assure Benoît Le Pichon.
Dans les deux derniers cas d'usage présenté, les trois Cloud de la firme de Redmond s'imbriquent pour assurer la détection d'une anomalie, la programmation d'une intervention et la commande de pièces. Mais le fonctionnement de ces solutions est véritablement rendu possible par l'Edge computing et l'IoT. Le fait que ces équipements ne sont pas tout le temps connectés provoque le besoin “d'intelligence” en bordure. L'entreprise fondée par Bill Gates ne mise donc pas que sur le Cloud et l'IA et adapte son discours et ses solutions aux besoins des industriels tout en profitant d'une plus grande agilité de développement.
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