Les objets connectés, nous en parlons tous les jours. Ces produits ne se démarquent pas seulement par leur appartenance à une tradition High Tech. Ils ne sont pas forcément, non plus, issus de lubies de geeks affairés dans leur garage.
Cela, les entreprises et les entrepreneurs l'ont très bien compris. Les objets connectés en direction du grand public se multiplient à vitesse grand V, des plus évidents comme les thermostats connectés, aux plus inutiles, à l'instar du compteur de papiers toilette connecté.
Certains prouvent leurs utilités au quotidien, d'autres servent de temps en temps. Cette fréquence d'usage pose forcément question aux consommateurs au moment de choisir le produit. “Vais-je m'en servir tous les jours ou finira-t-il au fond d'un placard avec la collection de VHS de mon enfance ?”
Quand bien même, la situation la plus déprimante se produit, ce n'est pas actuellement le critère le plus pertinent.
Il y a d'autres raisons pour lesquelles les objets connectés finissent au fond d'une boîte. Deux d'entre elles sont bien connues des possesseurs : le problème de la connectivité et les applications récalcitrantes.
IoT, la promesse de la facilité
Ce qui détermine l'utilisation d'un produit, c'est la facilité avec laquelle son possesseur profite du “service” attendu. Prenons l'exemple d'un aspirateur : deux boutons poussoirs, des embouts/accessoires, et un consommable, le sac. Il suffit de brancher l'appareil, puis d'appuyer sur le bouton pour allumer, aspirer et ré-appuyer sur ce même bouton pour éteindre. Tandis, que le second sert à enrouler le câble une fois la tâche accomplie.
Cependant, l'aspirateur “traditionnel” a également des inconvénients : il faut changer le sac régulièrement, entretenir les filtres pour ne pas perdre la puissance d'aspiration, mais surtout faire avec ce “scrogneugneu” (restons polis) de câble qui s'enroule partout.
Dyson, la célèbre entreprise britannique a réussi au début des années 1990 à régler les deux premiers problèmes de la liste en mettant au point la technologie G Force. Un peu avant, en 1979, Black&Decker commercialise un dispositif sans fil (hourra !) et à batterie. Aujourd'hui, il n'y a plus besoin de manipuler l'appareil puisque des robots le font à votre place.
L'appairage, le chemin de croix des objets connectés
Seulement, il faut connecter le robot après avoir téléchargé une application. Si la plupart des constructeurs utilisent le WiFi, la configuration peut s'avérer éreintante, dans le cas où les ports du modem ne sont pas configurés pour le produit.
La norme WiFi est maintenant bien connue des constructeurs et les soucis sont réglés une fois le service client au bout du fil. Cette situation s'avère beaucoup plus complexe avec le Bluetooth.
Le fameux logo que l'on retrouve maintenant partout a pour certains des allures de pentacle démoniaque. Nous en avons fait nous-mêmes l'expérience avec la valise connectée BlueSmart. Bien qu'elle soit pourvue de fonctions pratiques comme l'indication du poids du bagage ou le verrouillage de la serrure, les premières utilisations furent un calvaire. Connexion intermittente, décrochage de l'appairage, conflit avec d'autres objets connectés… Voilà à quoi peut ressembler l'expérience d'un consommateur prêt à mettre 450 à 600 euros dans une valise.
Dernièrement, Wistiki a fait les frais de ce problème avec son Voilà!. Ce porte-clé connecté vous permet de connaître à tout moment la position de vos clés. Son design agréable, sa résistance à l'eau, son autonomie de 3 ans et son prix raisonnable en font sur le papier un produit connecté adoptable par le plus grand nombre.
Malheureusement, certains clients notamment en provenance d'Amazon font part de déconnexions intempestives. Ceux-ci sont sûrement victimes d'une mauvaise série, l'équipe de Wistiki doit sûrement tout faire tout son possible pour répondre aux réclamations des clients.
La jeune pousse n'est pas la première ni la dernière à avoir rencontré ce genre de soucis. Le cadenas connecté Master Lock testé par nos soins n'a jamais voulu se connecter au smartphone pourtant compatible. De même, le bracelet connecté Polar A360 était à son truffé de bugs à son lancement. Rappelons que la norme Bluetooth, bien que standard, affiche des variantes propriétaires ou non. Par exemple, la connexion de ce type n'est pas la même chez Samsung et chez Apple.
L'application, la cinquième roue du carrosse ?
Au-delà des défauts liés à la maturité technologique, les utilisateurs doivent parfois faire face à des interfaces peu intuitives ou tout simplement pas terminées. Ce dernier cas s'avère plus fréquent, à l'instar du thermostat pour climatiseur, Momit Cool. Si le produit est fonctionnel à la sortie de la boîte, il manque la promesse principale : indiquer la consommation électrique de l'appareil à connecter. Autre exemple : le Triby, un assistant connecté à installer dans la cuisine, présentait à son lancement des défauts de coordination entre les possibilités physiques et l'apport de l'application.
Bien sûr, les applications peuvent être mises à jour par la suite. Cette pratique issue de la conception logicielle s'applique évidemment aux objets connectés. C'est souvent le cas et les produits gagnent généralement en intérêt au fur et à mesure. Néanmoins, la difficulté réside dans l'imbrication du software et du hardware. En effet, si l'application ne fonctionne pas l'objet connecté est pratiquement inutilisable. Heureusement, ce genre de défauts ne touchent qu'une faible portion des objets connectés présents sur le marché.
Financement, marketing, hardware, software : dur dur d'être une startup IoT
Cet aspect perfectible des objets connectés s'explique aisément. Aujourd'hui, ces innovations proviennent généralement du monde de l'entrepreneuriat. Par définition, les startups sont majoritairement animées par de jeunes diplômés qui font leurs premières armes en tant que dirigeant d'une société. Il s'agit souvent d'un premier projet novateur, mais, selon Olivier Ezratty, consultant et auteur du Rapport annuel du CES de Las Vegas, le problème réside dans la difficulté inhérente à la fabrication des objet connectés :
“D'un côté, il y a un très grand niveau de complexité à la mise en place de ce genre de société et d'un autre côté, un marché qui est très fragmenté, des sources de financements sporadiques, même si beaucoup utilisent l'option du crowdfunding. Il y a un décalage important entre les ressources disponibles, des capitaux et des compétences et la complexité des projets. Un décalage d'autant plus important quand l'objet est complexe”
Olivier Ezratty évoque dans cette veine, le robot projecteur développé par une société française. “J'ai déjà vu le projet plusieurs fois à Las Vegas, l'entrepreneur a fait une levée de fonds participative, il est en retard donc certaines des personnes qui ne sont pas livrées pensent qu'il s'agit d'une arnaque. Mais la vraie raison de cette attente réside dans la complexité du produit.”
Il y a donc de fait une sur-promesse, une stratégie du rêve qui imprègne le secteur de l'Internet des objets. Pour l'auteur, ce phénomène n'est pas spécifique à ce secteur et se retrouve autant dans le marketing des grands groupes qu'en politique :
« La vraie sur-promesse provient de Kickstarter et d'Indiegogo. Ils promettent que grâce à leur plateforme vous pouvez financer vos projets, mais la réalité c'est qu'il y a relativement peu de projets qui sont complétés. L'autre réalité réside dans le fait que dans la plupart des cas même une bonne campagne de crowdfunding réussi est insuffisante pour aller à la fabrication”
Le temps manque, aussi
Pour Jean-Philippe Cunniet, formateur marketing Big Data et IoT, il y a “un mécanisme vicieux” : “Pour financer le développement, il faut promettre et quand vous promettez, il y a risque de se faire copier.” Il y a une course contre le temps, elle oblige à savoir tout faire à l'avance pour être le premier ou prendre le temps et risquer de se faire doubler par les concurrents.”
Un autre phénomène lié au marché et au temps rentre dans l'équation : “Une fois que vous avez commencé à développer l'objet, vous vous rendez compte que d'autres capteurs sont sortis entre temps. Parfois, d'autres produits qui sortent ‘ringardisent' ce produit en cours”.
La solution ? Trouver un moyen de débloquer les fonds et les ressources humaines nécessaires. Ce n'est pas facile. “Il faut démarcher les Business Angels, solliciter les Ventures Capital alors que le marché du hardware n'attire pas. Créer un objet connecté, c'est l'un des métiers les plus complexes de l'entrepreneuriat.” Affirme Olivier Ezratty.
Jean-Philippe Cunniet considère que les bureaux d'études peuvent aider à la conception : “ils sont les sous-traitants de la partie électronique. Il n'y a qu'en passant par cette solution que cela va vite”.
Cependant, cela demande plus de moyens et de sortir de l'économie de garage. Il faut inclure l'intervention des associés dans le financement. Des structures plus accessibles comme les accélérateurs, des associations comme Cap'Tronic et bien sûr la French Tech existent, heureusement.
Startupers, soyez transparent !
Pour le public, il faut “mitiger” la promesse. Les early adopters, généralement les premiers à investir dans les campagnes de crowdfunding, ont besoin d'un discours de vérité. Cette affirmation est d'autant plus vraie que ce mode d'accès aux objets connectés se démocratise. “Une marque doit gagner la confiance des utilisateurs, même auprès des early adopter plus tolérants” affirme le formateur “Prouver que l'on est appuyé par un accélérateur rassure”.
La transparence apparaît alors nécessaire pour montrer aux investisseurs et aux consommateurs que le premier produit commercialisé dispose des capacités mises en avant. Rappeler qu'il s'agit d'un galon d'essai lorsque c'est le cas.
Cet article n'évoque qu'une partie des raisons de cette difficulté à délivrer un produit fini. L'ambition habite la plupart des projets et il faut pouvoir sortir gagnant des compromis, des choix faits sur le chemin difficile de l'entrepreneuriat. S'armer en conséquence devient alors une seconde nature. Bonne chance.
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