Le « Quantified Self » est une tendance nouvelle qui amène des opportunités financières intéressantes. Elle comporte néanmoins des risques en matière d'éthique et de sécurité. L'avis de l'expert Xavier Comtesse.
Une pratique diversifiée
Le « Quantified Self », c'est avant tout une pratique permettant de «se mesurer». Ceci tant d'un point de vue de l'activité journalière (mouvement, marche, etc.), de la santé (pression sanguine, pulsations cardiaques, etc.) ou de la nourriture (matière grasse, sucre ingurgité, eau avalée, fruits, etc.).
Mais c'est aussi un mouvement qui regroupe localement des gens autour des principes, des outils et des méthodes permettant à chacun de mesurer ses données personnelles de santé-activité-nourriture, de les analyser et de les partager.
Les outils du « Quantified Self » peuvent être des objets connectés, des applications mobiles ou des applications web. Les méthodes sont celles du Big-Data offertes par les géants des technologies comme Google, Apple, IBM ou même Amazon. Enfin, les principes sont issus de quelques précurseurs situés à San Francisco, mais qui ont rapidement touché d'autres régions.
Une tendance récente
Pour bien comprendre les nombreux aspects de notre vie quotidienne concernés, regardons rapidement les champs de mesures possibles : récolte de données de santé et gestion du comportement (activité quotidienne), suivi de sa position dans l'espace (géolocalisation), auto-évaluation sportive, auto-diagnostic santé, récolte de données de nutrition, récolte d'informations historiques ou encore génétiques personnelles, etc.
Pour en savoir plus, intéressons-nous d'abord à son démarrage.
Ainsi Wikipédia nous renseigne :
« le mouvement a été lancé en 2007 en Californie par Gary Wolf et Kevin Kelly du magazine Wired, sous la forme de rencontres entre les utilisateurs et les fabricants des outils dédiés au suivi de ses données personnelles. Alors que les rencontres se poursuivent dans la baie de San Francisco, des antennes locales ont été créées dans plus de 100 villes dans le monde. En 2010, Gary Wolf présenta le « Quantified Self » lors d'une conférence TED. En mai 2011, la première conférence internationale du « Quantified Self » eut lieu à Mountain View en Californie ».
Des enjeux financiers importants
Ce qui montre à quel point tout cela est encore relativement récent. Pour l'heure, il est clair que les grands industriels des ICT tels qu'Apple, Google ou Samsung sont très intéressés par ce développement. Il y a du matériel à vendre, mais surtout des données à récolter. Évidemment, le domaine de la santé attire du monde, tant les opportunités de se faire de l'argent sont grandes.
Cependant, on se trouve avec le « Quantified Self » à la frontière de plusieurs métiers, comme la médecine, la nutrition, l'informatique, les télécoms, le medtech, le big data, etc…
On a donc affaire à une sorte d'écosystème santé d'un nouvel ordre, complètement différent du vieux concept de « Cluster », qui regroupait principalement les acteurs d'un même domaine. Ici, le domaine et les alliances sont larges.
A en juger par l'alliance Novartis et Google sur les lentilles, ou Novartis et Intel qui créent un « venture fond » dans le domaine de l'e-santé. On a dépassé les anciennes frontières. Les alliances se font entre géants. Les enjeux dépassent les nations. Tout est global.
Le Quantified self, un véritable mouvement
L'individu est au centre de cette révolution ! Il se mesure tout seul ! Les outils à sa disposition sont nombreux aujourd'hui et deviendront plus importants demain. Le terrain est propice à cette évolution, car le désir a été exprimé par beaucoup un peu partout.
Ainsi cette volonté de se prendre en charge devient mouvement. La rencontre de cette envie et des nouveaux moyens technologiques rend la chose possible. On va en direction d'un immense mouvement d'auto-mesure, d'auto-diagnostic, d'autocontrôle et finalement d'auto-prescription.
Internet l'avait déjà démontré : donnez la possibilité aux gens de faire les choses par eux-mêmes et ils s'en emparent. Regardez Facebook, YouTube et les blogs qui ont permis aux utilisateurs de devenir des sources d'informations, des médias en quelque. Cela va être exactement la même chose avec le « Quantified Self ».
De nouvelles problématiques à surmonter
Il y aura toujours des sceptiques qui penseront que tout cela est dangereux, que toutes ces données vont servir, avant tout, aux grandes industries, que les données seront volées, etc. Il y aura certainement de nouveaux risques, mais il en a toujours été ainsi.
Chaque nouvelle technologie fait face à de nouveaux dangers. Ce fut vrai avec la voiture ou Internet et cela le sera également avec le « Quantified Self ». Là n'est pas la question, car comme par le passé on trouvera des « parades » aux problèmes nouveaux.
La question à se poser est : pourquoi tout cela ?
La réponse n'est pas simple. D'un côté, il y a des gens qui se sont déjà mobilisés en le faisant pour eux-mêmes et de l'autre, des entreprises qui proposent des solutions hardware et software répondant à ce besoin.
Mais que va-t-il advenir des personnes qui n'ont rien demandé. Allons-nous devoir nous y mettre ? Serons-nous obligés par l'État, les assurances ou notre médecin à suivre le mouvement ? Cela sera-t-il un mouvement marginal ou obligatoire ?
Comme toujours avec les modes, la réponse n'est pas évidente. En effet, il faudra s'y mettre si le mouvement se généralise et non si cela reste cantonné à des groupes restreints.
Alors, comment savoir ? Il est difficile de le prédire aujourd'hui.
Le risque réel du Quantified Bot
Il existe cependant un risque réel que les mesures du « Quantified Self » se fassent de manière totalement autonome, sans vous. A l'image de l'application sur votre Smartphone qui mesure vos mouvements quotidiens sans rien vous demander.
Si l'industrie se met à placer des capteurs un peu partout sur vous ou autour de vous, cela fera une déferlante de données maîtrisable seulement par des bots (des algorithmes s'activant de manière autonome).
La machine invisible (software) de la vie prendra le contrôle et rien ne l'arrêtera plus. Vos « bots » lutteront pour vous. Ils vont vous offrir une vie saine, active et surtout prolongée. Ce jour-là (sans doute pas si éloigné), alors, tout le monde sera dans du « Quantified Bot ».
- Partager l'article :