Sensewaves est une start-up à l'origine d'une plateforme web pour l'intégration des objets connectés et intelligents, qui permet d'analyser et de gérer l'information. Cette plateforme, Sweave, identifie les tendances parmi les comportements relevés par les objets connectés, en transformant les données brutes en informations significatives. Quelques semaines plus tôt, l'équipe Sensewaves a remporté le Cisco EIR Challenge pour Sweave. Nous avons rencontré l'un des membres de l'équipe fondatrice, Fivos Maniatakos pour nous parler de cette start-up française qui monte.
Histoire de Sensewaves
Sensewaves, c'est une entreprise de quatre personnes, dont trois fondateurs : Tommaso Bianco, Côme Maestracci et Fivos Maniatakos, que nous avons rencontré. Depuis quelques mois, un membre s'est ajouté à l'équipe : Sophie Papachristopoulos, en charge du marketing. Deux consultants viennent grossir les rangs : Ken Forster et Philip Stockdale.
Arrivé il y a dix ans en France, Fivos Maniatakos est d'origine grecque et est issu d'un cursus de formation de Computer Science and Electrical Engineer à l'école polytechnique d'Athènes. A l'occasion d'un master à l'IRCAM, Fivos Maniatakos a rencontré les autres membres de l'équipe de Sensewaves. « Ensemble, nous avons travaillé sur les ondes sonores, et cherché à savoir comment passer des simples ondes sonores à quelque chose qui ait un impact plus social, et la réponse à cette problématique était l'IoT« .
Les ondes sonores et l'IoT
OBJETCONNECTE.COM : Sensewaves, qu'est ce que c'est ?
Fivos Maniatakos : C'est une plateforme d'analyse en temps réel (streaming analytics) de données provenant de capteurs, et dédiée à l'IoT industriel. Et nous proposons deux choses aux entreprises avec cette plateforme : soit on a des outils faciles à gérer (API) et donc le client peut intégrer directement nos analyses dans l'application, soit on a aussi des solutions complètes, comme c'est le cas avec le load balancing.
OBJETCONNECTE.COM : Quel rapport entre l'IoT et les ondes sonores ?
Fivos : En fait les deux sont liés, car quand on parle d'IoT, il s'agit en fait plutôt de données provenant de capteurs. Et de données chronologiques, qu'on appelle scientifiquement time series (des séries temporelles). Mais en fait les ondes sonores, (ou « digital audios ») sont aussi des signaux de séries temporelles.
Et c'est là où nos thèses d'étudiants interviennent dans l'histoire. Ma thèse, par exemple, portait sur l'improvisation d'un ordinateur, avec des musiciens et des instruments de musique, dans le contexte bien précis où on avait de vrais musiciens sur scène, et où nous voulions qu'un ordinateur improvise avec eux. Mais l'ordinateur n'y connaît rien à priori, car il ne connaît rien à leur style. Dès lors le but c'est d'apprendre directement des données sans avoir de connaissances a priori. Le système qui a alors été utilisé c'est qu'un musicien jouait peut-être pendant quelques minutes, et ensuite l'ordinateur se mettait à jouer avec lui. C'est de l'apprentissage automatique, on applique du machine learning, et après on en fait une représentation.
O.C : Comment s'est déroulée cette transition du domaine musical à celui de l'IoT ?
Fivos : Au départ nos études nous destinaient tous à être professeurs d'universités, ou chercheurs. Mais avec notre rencontre à l'IRCAM, on a été fascinés par l'idée de la création d'une start-up. C'est aussi à ce moment-là qu'on a vu que l'IoT était en train d'exploser, et on s'est dit que les acteurs de ce marché auraient grand besoin des analyses approfondies que nous étions capables de réaliser dans notre domaine. Ça c'était en 2010.
Après on a soutenu nos thèses et cherché une solution pour faire passer notre savoir faire dans le domaine de l'IoT. On y a travaillé en secret, et on a préparé une première version de la plateforme, prête en octobre 2014. Grace à cette plateforme on a pu gagner pas mal de concours, alors que ça ne fait que quelques mois qu'elle fonctionne. Aujourd'hui on a une version alpha de la plateforme, et on est en train de poursuivre le processus pour réaliser des contrats.
On réalise des POC (Proof of Concept) pour montrer l'utilité de la plateforme dans divers domaines, comme l'industrie par exemple. Et on travaille aussi dans des programmes pilotes pour valider nos hypothèses, et avancer sur la version finale de Sweave.
O.C : Pourquoi privilégier les « time series » ?
Fivos : C'est un peu particulier. Quand on parle d'IoT, on parle de « données chronologiques » et celles-ci ont quelques propriétés qui n'existent pas ailleurs. Par exemple dans une série temporelle, la valeur qui arrive à l'instant où nous parlons dépend des valeurs qui sont arrivées avant. Alors la méthode pour l'analyser doit tenir compte de cette propriété et diffère en ce point des outils communément utilisés dans le contexte « Big data ». Ces données-là sont brutes, redondantes, ont une fréquence d'émission assez élevée. Et donc sont plus difficiles à comprendre et à analyser, surtout en temps réel.
OBJETCONNECTE.COM : Et c'est à partir de là qu'a démarré le projet Sensewaves ?
Fivos Maniatakos : A l'époque de nos thèses, on était encore dans la partie analyse. C'est après que nous sommes passés dans la partie action : c'est à dire savoir comment on pouvait adapter ces analyses-là à la problématique d'un client. Et à partir de cette analyse, on a pu dégager des prédictions, des analyses de tendances, mais aussi des prescriptions, du profilage d'utilisateur. L'important après, c'est d'intégrer ça dans un vrai use case. Par exemple, celui du Load Balancing , qui concerne les smart cities, et le district management.
Concrètement il s'agit de petits ou plus grands territoires, qui possèdent des installations d'électricité à peu près autonomes, et où on va combiner des ressources renouvelables, mais tout en cherchant de nouvelles façons de consommer l'énergie, comme c'est le cas aujourd'hui avec les voitures électriques. Il y a le problème des réseaux électriques qui étaient beaucoup plus stables avant et qui maintenant ne le sont plus, notamment en raison de toutes ces différentes ressources et de ces différents points de consommation. Alors il faut assurer la stabilité du réseau à tout moment, et l'adapter aux problématiques de la Green énergie, et bien sûr s'assurer aussi que le client bénéficie du meilleur prix, et ce à chaque instant de consommation.
Aujourd'hui il y a beaucoup d'acteurs qui travaillent à l'élaboration de ce genre de systèmes. Ce que nous proposons nous, ce sont des outils d'analyse, et d'analyse profonde, pour par exemple comprendre le comportement des clients, faire des prédictions, et assurer la meilleure articulation des différents paramètres analysés.
L'avenir de Sensewaves dans l'IoT
OBJETCONNECTE.COM : Comment se porte actuellement le marché de l'IoT selon vous ?
Fivos : L'IoT est un univers qui bouge vraiment depuis deux ans. Et maintenant on voit que dans cet écosystème il y a de supers acteurs qui gèrent différents problèmes très spécifiques. Certains gèrent la connectivité, d'autres sont purement constructeurs d'objets, et il y a aussi les plateformes IoT qui peuvent permettre aux clients de créer leurs applications. Alors la question est de savoir comment se positionner dans cet écosystème là, comment trouver sa place.
Nous avons conçu la plateforme avec l'objectif de la rendre complémentaire et interopérable avec une majorité de services proposés par les acteurs actuels dans l'IoT. Cela signifie qu'un acteur – par exemple un concepteur de plateformes IoT- pourra intégrer notre service à son produit pour améliorer sa proposition de valeur, car nous fournissons des analyses de time series que les autres plateformes n'ont pas. Et d'autres types d'acteurs profitent de cette solution, comme ceux qui sont plutôt à l'origine des données, et qui ont donc besoin d'analyses et d'outils, pour par exemple chercher des modèles d'évènement récurrents, afin d'avoir une compréhension plus profonde sur ce qui se passe dans leur business.
OBJETCONNECTE.COM : Vous avez remporté la Cisco EIR Challenge le 29 mai dernier, qu'est ce que cela implique (seuls Français a avoir rempoté le challenge cette année, 750 candidats et 5 vainqueurs à la fin) ?
C'est un partenariat de 6 mois, et un partenariat qui nous ravit, car nous étions fascinés depuis le début à l'idée de pouvoir travailler avec un groupe tel que Cisco, puisque c'est le grand géant de l'IoT. En plus nous sommes très proches de la problématique de Cisco, notamment dans l'idée que l'univers IoT doit être plus organisé. Aujourd'hui on a le sentiment qu'un partenariat tel que celui-ci ouvre notre horizon, et que cela va nous permettre de mettre en place des solutions disruptives dans l'IoT.
OBJETCONNECTE.COM : Quelles sont les difficultés quand on est porteur de projet ?
Fivos : Il faut rêver, je pense, il faut voir The Big Picture ! (le tableau complet). Et il faut penser que ça prend du temps, que tout n'est pas fixé dès le départ, et utiliser ses capacités d'anticipation pour savoir vers où les choses vont aller. Et s'adapter sans arrêt à l'écosystème. Il faut aussi garder les yeux ouverts, et être à l'écoute des solutions qui émergent.
Au niveau des difficultés, celle qui a été la plus grande, c'est qu'en 2011, quand on s'est lancés, les gens ne connaissaient pas encore le terme IoT. En fait à cette époque là nous passions 60% de notre temps à expliquer ce que c'était et 40% à expliquer notre projet. Donc il fallait être patient et savoir expliquer simplement ce qu'on faisait. Petit à petit, ça a changé, et maintenant on n'a plus besoin de perdre du temps à expliquer ce qu'est l'IoT.
La nouvelle difficulté est que les gens ne voient pas toujours la valeur ajoutée de l'IoT. Et c'est un domaine sur lequel est venue se greffer la crise, comme partout ailleurs. Donc les gens réfléchissent plus avant d'investir, et sont d'autant plus méfiants lorsqu'il s'agit d'investir sur une toute nouvelle technologie.
OBJETCONNECTE.COM : Et dans cinq ans ?
Nous voulons être leader sur tout ce qui est analyse de données pour l'industrie IoT. Mais aussi pouvoir soutenir les start-ups qui créent un objet, parce que même les start-ups ont besoin d'analyses sophistiquées. L'objectif serait donc de les aider à lancer plus facilement leurs idées.
O.C : Vous travaillez sur quel projet actuellement ?
Nous travaillons sur les équipements lourds dans l'industrie qui coûtent très cher, et coûtent encore plus lorsqu'ils tombent en panne. Ce que nous voulons faire, c'est fournir au client une solution de monitoring qui lui permet d'éviter une panne fatale. Ainsi nous apportons la possibilité d'assurer que la machine ou les machines fonctionnent au maximum de leur capacité, mais aussi éviter et prévoir en avance les pannes ou erreurs mécaniques. Car l'intérêt de Sweave, c'est que la plateforme peut s'adapter à différents domaines.
Propos recueillis par Jessica Martinez
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