La dernière décennie de notre brève histoire digitale a vu émerger la révolution des terminaux et des nouveaux usages mobiles. Le MEF (Mobile Ecosystem Forum) a mené sa 3ème étude sur les paiements et la banque mobile dans 15 pays. Retour sur la publication de ses résultats parus en juin 2015.
L'étude fait ressortir l'hétérogénéité des usages, variant selon les régions du monde : paiement mobile sur les sites d'e-commerce, paiement de proximité devant une borne ou transferts d'argent de mobile à mobile et bien d'autres.
Tandis que sur les marchés développés, les consommateurs sont concernés surtout par la sécurité et la rapidité, le paiement mobile s'est déjà imposé dans les pays dont les habitants n'ont ni de compte en banque, ni de carte bancaire. En l'espèce, la commodité prime. Les services tels que M-pesa ou Fundamoy ont révolutionné la banque : c'est le téléphone qui sert à régler des factures, les achats chez les commerçants, transférer l'argent et accéder aux biens et services digitaux. Le m-banking est utilisé par 80% des sondés en Indonésie, 85% au Nigéria et 93% au Kénya.
Certains commerçants favorisent les paiements mobiles en les liant à leurs propres outils de fidélisation et de promotion. Par exemple, l'application de paiement de Starbucks permet, certes, de payer son café, mais aussi d'enregistrer automatiquement ses points de fidélité. La marque annonce fièrement avoir atteint 8 millions de transactions mobiles par semaine aux Etats-Unis.
L'étude montre cependant qu'au-delà de cet exemple, le paiement mobile de proximité reste épiphénoménal à l'échelle du pays. On compte d'autant plus sur Apple Pay, Android Pay et Samsung Pay pour changer de changer nos habitudes comme ils ont changé, cette dernière décennie, notre rapport à la consommation.
Neuf tendances de fond se dégagent clairement dans le paiement mobile :
1. In-store payments
En français : paiement de proximité ou règlement chez les commerçants, reste un outsider, une promesse en devenir, clairement marginale à ce jour. Dans les 15 pays où l'étude a été menée, seulement 12% des sondés ont réglé leurs achats dans un commerce de proximité en utilisant leur mobile dans les 6 derniers mois dont : 18% ont tapé pour cela le numéro de leur carte bancaire, 16% ont utilisé un service de paiement en ligne, tel que Paypal, 9% ont préféré le programme de paiement proposé par le commerçant et à peine 8% ont opté pour le NFC.
Le recours au portefeuille électronique, un « plug-and-play » type Square ou un programme de fidélité mobile restent confidentiels. Cas exceptionnel : Starbucks qui en associant ce dernier mode de paiement à son programme de fidélité a atteint en avril 8 millions de transactions par semaine.
2. Le portefeuille électronique mobile
Pour un peu moins de la moitié des sondés, douche froide, ce service reste inconnu ou inutile : 18% ne savent pas ce que c'est, 15% ne connaissent personne qui l'utilise et d'autres 15% n'y trouvent aucun avantage. Dont acte.
Pour se développer, l'industrie mobile se doit d'informer le consommateur, mais aussi de créer un vrai portefeuille mobile, qui, s'il s'agit d'une version digitale d'une belle pièce de maroquinerie, devrait comporter des cartes bancaires, cartes de fidélité (voir l'exemple de Starbucks ci-dessus) papiers d'identité etc., et non de se contenter d'être une copie virtuelle d'une seule carte bleue. L'objet mérite d'être repensé dans son ensemble.
3. Les médias sociaux, l'avenir du commerce mobile
Les médias sociaux restent le point d'entrée préférentiel vers le m-commerce. Pas étonnant quand on sait que les applications de médias sociaux sont les plus téléchargées (48%) après les jeux, que 24% des utilisateurs de téléphones mobiles et 15% des utilisateurs de smartphones déclarent que c'est à partir des médias sociaux qu'ils se rendent sur les sites d'e-commerce.
4. La sécurité, encore et toujours
Quelques vingt ans après l'émergence des premiers actes d'achat sur internet, la confiance n'est toujours pas installée et cela constitue le frein essentiel au développement de l'argent mobile. Plus d'un tiers du panel (34%) place ce facteur au centre de leurs inquiétudes digitales, 11% pensent que l'argent mobile n'est pas assez sécurisé, 9% ont peur de donner trop d'informations privées, 8% trouvent les systèmes de paiement pas assez fiables.
5. Les messageries instantanées
Serait-ce le Graal du service de paiement ? Encore une forme de média social, les services de messagerie instantanée type Line, Whatsapp et autre Viber sont devenus des canaux de découverte, d'achat et de SAV.
En effet, 56% des utilisateurs de smartphones préfèrent acheter avec les applications mobiles plutôt que d'aller sur les sites internet mobiles. Dans certains pays d'Asie ces applications ont déjà un temps d'avance et permettent à leurs clients de lier leur compte messagerie avec leur carte de crédit pour ensuite procéder aux virements entre amis ou acheter sur internet.
6. L'utilisation d'un deuxième écran
Presque tous les sondés (94%) admettent d'utiliser un autre média, le plus souvent la télé (pour 42%), pendant qu'ils surfent sur leur mobile. Ce deuxième terminal devient une source complémentaire dans la recherche d'informations avant l'achat (fonctionnalités, recommandations sociales, comparaison des prix etc.).
7. Click'n'mortar ou le retour du commerce de proximité
Voilà encore quelques années, BestBuy se plaignant que ses clients venaient choisir leur produit en magasin et les achetaient sur Amazon. Les grandes enseignes de distribution auraient renversé la vapeur : 58% des sondés avouent avoir trouvé sur leur mobile ce qu'ils voulaient acheter, mais ils sont allés en magasin pour le faire. Autant ont fait la démarche inverse et 28% ont achetés sur le mobile en se trouvant dans le magasin. Il semblerait que les enseignes classiques ont trouvé les complémentarités entre une recherche large et centralisée sur un support digital et le besoin de matérialiser jusque dans le toucher l'objet avant de se l'approprier.
8. La banque mobile
La tendance s'affirme, les clients consomment une relation mobile avec leur banque : 69% de sondés utilisent les services bancaires depuis leur mobile. Essentiellement encore aujourd'hui pour des opérations de base (29% consultent surtout l'état de leur compte). Pour autant, des actions plus engageantes ou complexes émergent à l'image des transferts entre les comptes (18%), aux tiers (16%) ou des demandes de prêts (9%).
9. Identification facile et sécurisée
Les sondés demandent de manière assez claire une facilitation, une simplicité dans l'acte de paiement mobile : pour 32% des sondés le paiement mobile est facile à utiliser et 25% disent qu'ils veulent acheter immédiatement, sans attendre. Les développeurs savent donc que l'opération doit se passer sans accroc, vite, en un clic. L'identification par empreintes digitales, par le rythme cardiaque ou par la reconnaissance des veines semble particulièrement cristalliser leur attention. Quelques startups, par ex . Bionym ou Biowatch, commencent à proposer ce type de solutions.
On observe donc deux informations saillantes. La première nous invite à considérer l'acte d'achat comme multi-canal incluant nécessairement un vecteur « contenu » robuste où les réseaux sociaux auront toute leur place. Le consommateur a besoin de trouver un panel large d'informations sur le produit à acheter, quel que soit le support. La seconde est que l'acte d'achat dans l'espace digital reste encore un acte anxiogène, une transaction dans une boite noire. L'insécurité ressentie constitue, à ce jour, la barrière principale à une adoption plus large.
Quelle pourrait être la 10ème tendance, celle qui se situe encore sous le radar et qui nous surprendra à la prochaine étude ? La rédaction met un billet sur la réalité virtuelle, celle qui permettra de sentir les parfums, essayer les vêtements et se faire conseiller par ses amis sans bouger de chez soi. Une expérience immersive ultime. La technologie est déjà là, les premiers projets sont bluffants, notamment pour les jeux ou le tourisme. Rendez-vous l'année prochaine.
- Partager l'article :